PHIL OCHS – All the news that’s fit to sing

Archétype folk 60s

(Elektra Records 1964)

Aujourd’hui largement ignoré, Phil Ochs a longtemps souffert de l’image qui lui était associée ; celle d’un alter ego de Bob Dylan qui serait resté fidèle à son credo folk. La deuxième partie de sa carrière (après son départ pour la Californie, en 1967), sa faible reconnaissance populaire et son destin tragique (il s’est suicidé en 1976, à l’âge de 35 ans) ont contribué à faire de Phil Ochs l’un des archétypes du chanteur maudit. Cette vision semble cependant très partielle et quelque peu caricaturale ; quoiqu’il en soit, Ochs était une figure importante du renouveau de la musique folk nord-américaine du début des années 1960, et ses albums enregistrés pour Elektra restent encore de fidèles témoins de son talent.

Né au Texas, Phil Ochs est l’exemple parfait du chanteur de la scène folk de New-York : de la même génération que Tom Paxton e t Bob Dylan, il fait partie du groupe « d’héritiers » de Woody Guthrie et Pete Seeger, qui veulent concilier musique populaire et sujets de société. Au terme réducteur – et le plus souvent employé de façon péjorative de « protest singer »-, Ochs préférait qu’on utilise celui de « topical singer ». Au début des années 1960, Phil Ochs part s’installer à New-York où il intègre rapidement la scène de Greenwich Village, il devient un contributeur régulier du Broadside Magazine, et l’inévitable Albert Grossman devient son manager (il le restera jusqu’en 1967). La première partie de la décennie est marquée par une énorme productivité – Dylan lui-même reconnaissait qu’il n’arrivait pas à suivre le rythme de son ami – et de nombreuses chansons publiées dans la suite de la carrière de Phil Ochs datent de cette période.

Ochs concevait ses chansons avec des sujets puisés dans l’actualité ; le titre de son premier album fait lui-même référence au sous-titre du New York Times (« All the news that’s fit to print »). Cependant le statut de topical singer ne constituait en rien une excuse pour faire passer l’aspect musical au second plan : au contraire, Ochs expliqua son credo à ce sujet dans un article où il défendait une chanson de Dylan (« The Lonesome death of Hattie Carroll ») : « there is no justification for a bad song no matter how important the cause ». Sur son premier album, il respecte parfaitement cette règle et livre plusieurs chansons mémorables. Il raconte avec talent et émotion le naufrage du sous-marin militaire « The Thresher », qui a inspiré plusieurs artistes – dont le Kingston Trio et Abner Jay (la chanson est disponible sur Folk Song Stylist). Plus proche de la réalité new-yorkaise, il chante la mort d’un éducateur battu à mort par quatre membres d’un gang de West Harlem dans « Lou Marsh ». Plus loin, « Ballad of William Worthy » est l’occasion pour Ochs de démontrer un autre point important de son art ; un humour mordant qui place ici la prétendue logique des tenants du « Land of the Free » devant son absurdité « You are living in the Free World, in the Free World you must stay. »Evidemment, Ochs évoque la guerre du Vietnam et les jeunes soldats américains qui partent loin de leur pays (« One more parade », « Talkin’ Vietnam ») ; avec la lutte pour les droits civiques, c’est le grand sujet de préoccupation de sa génération, et il le restera pendant toute la décennie.  

Après l’adaptation d’un poème d’E.A. Poe (« The Bells »), Phil Ochs accorde à Guthrie un bel hommage avec la chanson très réussie « Bound for Glory » (qui emprunte son titre à l’autobiographie de Woody Guthrie publiée en 1943). Ochs rend un autre hommage à son idole avec la chanson « Power and the Glory », une ode à une autre Amérique (cette chanson est l’équivalente de « This land is your land »). Au début de sa carrière, Ochs reconnaissait volontiers l’influence qu’avait eue sur lui un autre artiste, aujourd’hui méconnu : Bob Gibson, un des principaux protagonistes du « folk revival » des années 1960. Sur cet album, Ochs interprète deux chansons qu’il a coécrites avec Gibson (« One more parade » et « Too Many Martyrs »). A noter également sur ce disque, la présence d’un jeune musicien de studio talentueux, Danny Kalb (à la deuxième guitare) et celle de John Sebastian (plus anecdotique car limitée à « Bound for Glory ») : au début des années 1960, celui qui deviendra bientôt célèbre en tant que chanteur de Lovin’ Spoonful promène son jeu d’harmonica sur plusieurs albums de folknew-yorkais.

All the news that’s fit to sing est un excellent album, qui est à la fois la preuve de l’immense artiste qu’était Phil Ochs et un disque caractéristique de la « nouvelle scène » des chanteurs folk américains du début des années 1960 : une scène extraordinairement inventive et talentueuse, dont la jeunesse, l’humour et l’intelligence restent sans équivalent dans l’histoire de la musique pop, et dont les disques sont toujours aussi pertinents, quelque cinquante plus tard.

 

 

Liste des chansons :

  1. One more parade *
  2. The Thresher *
  3. Talking Vietnam
  4. Lou Marsch *
  5. Power and the Glory
  6. Celia
  7. The Bells
  8. Automation Song
  9. Ballad of William Worthy *
  10. Knock on the door
  11. Talkin’ Cuban Crisis
  12. Bound for Glory *
  13. Too Many martyrs *
  14. What’s that I hear

  

Vidéos :

“One More Parade”

 
“Bound For Glory”
 
 
“Ballad Of William Worthy”
 
 
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