RUBBLE Vol. 16 – Glass Orchid Aftermath

Demi-réussite

Pourquoi le freakbeat est-il le plus beau son jamais créé ? Voilà une question qui mérite d’être enfin posée en termes clairs. Le seizième Rubble, belle brochette de groupuscules plus obscurs, épisodiques et ignorés les uns que les autres, nous fournit l’occasion rêvée de nous pencher sur ce problème qui brûle les lèvres de nos lecteurs quotidiens. En effet, presque tout ce qui présente quelque intérêt sur cette tardive compile approche de ce genre aussi éphémère que miraculeux.

L’écoute de la première face de Glass Orchid Aftermath est enthousiasmante. On se croit revenu à la grande époque des Rubble. L’assaut sonique est frontal, les amateurs inassouvis de freakbeat abrasif et spatial seront comblés par un morceau majeur, et souvent repris, le « Francis » de Gary Walker, ex-batteur des Walker Brothers parti quêter le succès au Japon. Hymne alerte et fringuant, au son incroyable porté par une basse pétillante en parfait contraste avec les aigus des guitares ébréchées envolées, il figure parmi les réussites du genre, aux côtés de Mike Stuart Pan (plutôt que de Wimple Winch). Le lp mérite l’écoute, même s’il n’atteint pas, comme on pouvait le présumer, le niveau de ce titre irrésistible. Autre fracas enchanteur, celui des inconnus The Lovin’. Parfaite alliance paradoxale entre un chant d’une suavité trouble proche de celui de Lennon dans « A Day in a life », et une instrumentation à la fois étincelante et claudicante, concassée et cristalline. Plus direct encore,  le rythme canaille du « Inspiration » des Chasers emporte aussitôt l’auditeur, réveillerait les morts et fracasserait des collines de marbre. En revanche, les flamboyants Fleur de Lys déçoivent ; pas grand-chose ne se passe derrière une fabuleuse intro tendue sur le fil du rasoir beat.

Accordons une mention à l’un des noms les plus imprévus de tout Rubble – titre de gloire majeur : St.Valentine Day Massacre, pas moins! Les interprètes de cette ballade soul-mod prenante, l’un des tubes virtuels du disque, ne sont tout simplement autres que les excellents Artwoods. Enfin, dans un style lui aussi très mod, les nommés Remo Four, voisins versatiles liverpooliens des Beatles, à l’occasion produits par George Harrison en personne, tirent eux aussi leur épingle du jeu, en attaquant sur un riff assuré une sérieuse tranche mod, « Live Like A Lady ».

Amusant phénomène, deux titres pastichent des riffs fameux en fin de face A, ce qui vaut mieux que des reprises inutiles : le guitariste des irlandais Dreams (sans doute doute Eric Bell, qui aura accompli un assez beau parcours, ex-Them et futur Thin Lizzy) réinterprète « Satisfaction » en mode enjoué. Mais c’est surtout Ace Kefford Stand (encore un transfuge de The Move, et auteur, souvenez-vous, freakies, du « Williams Chauker’s Time Machine », pas le moindre des ornements du troisième et excellent Rubble, Nightmares In Wonderland) qui requiert notre attention, en évoquant un « Foxy Lady » étouffant et brumeux. Une aigre voix de tête émerge plaintivement de ce chaos. Beau final pour cette première moitié de disque qui a aligné les réussites avec aisance. A ce stade, tout laisse présager un Rubble de belle facture, dans la lignée de The Electric Crayon Set ou Freak Beat Fantoms.

Hélas, si le niveau se maintient pendant une bonne dizaine de morceaux, par la suite, l’intérêt décroît peu à peu et se noie parmi une honnête médiocrité poppeuse, en dépit du plaisir toujours aussi vif procuré par un Pretty Things grande époque, même mineur (ce « Grey Skies » aérien et emporté). La fin du disque verse dans le tout-venant de la pop anglaise d’époque. Peu de choses à signaler. Staccacco rappelle le 49 Minute Technicolor Dream en moins brillant, Mint joue un agréable pastiche des Beatles. Ouvrages honnêtes et très éminemment écoutables, mille fois entendus, qui manquent seulement de caractère et de la moindre saillance. 

Pendant un temps, on a cru tenir avec Glass Orchid Aftermath une pièce de choix. Convenons que ce n’est pas tout à fait le cas, et qu’au fil des réécoutes, nous avons été déçu. Le disque compterait-il seulement ses dix meilleurs morceaux, il serait fameux ; d’autant qu’il offre quelques moments de freakbeat aussi intenses que peu connus. En l’état, on le classera seulement parmi les honnêtes Rubble.

 

 

Tracklisting : 

01. Gary Walker & The Rain – Francis *
02. John Bromley & Les Fleur De Lys – So Many Things
03. The Lovin’ – All You’ve Got *
04. The Chasers – Inspiration *
05. St. Valentine’s Day Massacre – Brother Can You Spare A Dime *
06. The Sea-ders – Undecidely
07. Dreams – Softly, Softly
08. Ace Kefford Stand – Gravy Booby Jamm *
09. The Remo Four – Live Like A Lady *
10. Eyes Of Blue – QIII
11. The Sea-ders – Thanks A Lot
12. The Lovin’ – Keep On Believin’
13. The Pretty Things – Grey Skies *
14. The Carriage Company – Feel Right
15. The Staccatos – Butchers & Bakers
16. Mint – Love By Numbers

 

Vidéos : 

The Lovin’ – All You’ve Got

 
Gary Walker & The Rain – Francis
 
 
The Chasers – Inspiration
 
 
St. Valentines Day Massacre – Brother Can You Spend A Dime
 

 

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1 Commentaire
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beat4less
Invité
beat4less
23 septembre 2011 7 h 27 min

Well done sir Bero. Ces chroniques feront des heureux durant les 30 ans à venir

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