RUBBLE Vol.6 – The Clouds Have Groovy Faces

Mélancolies et nébuleuses

De la maison Decca, on rappelle parfois le refus de signer les Beatles ; la maison s’est vite rattrapée : avec les Stones, certes, mais dans le registre des sixties occultes cher à nos coeurs de maniaques, son catalogue n’a pas non plus démérité.

Nous y avons fait allusion, une autre série, Decca Originals, en atteste avec magnificence. C’est bien là le problème des volumes 5 et 6 de Rubble, consacrés à ces mêmes archives Decca : ils pâlissent en comparaison des impeccables Freakbeat Scene et Psychedelic Scene, plus complets. Pour la première fois, donc, après les ouvrages de titan faramineux, de colosse électrique, de cyclope interstellaire foisonnant dans les quatre premières livraisons des érudits de chez Bam Caruso, pour la première fois, une semi-déception nous attend. Nous ne cacherons pas qu’en dépit de ses atours charmants, titre poétiquement pertinent et pochette classique mais efficace (une fille peinturlurée, volutes brumeuses et vagues de couleurs – qui a dit que nous avions le goût exigeant?), The Clouds Have Groovy Faces est l’un des Rubble qui a le moins tourné sur la platine. Pour tout dire, c’est un bon disque; mais voilà: cette série ne nous avait pas précisément habitués aux “bons” disques.

Le morceau d’ouverture, “Lovely People”, adorable art naïf des bien nommés Fairytale, annonce la tonalité d’ensemble: marche au flutiau vers de gracieux horizons enchantés, goût des gentilles mélodies, délicatesse plaisante de chants cotonneux ou vaporeux. Le retour des très bons Poets et The Attack illustre, chacun avec deux morceaux plus légers (les esprits chagrins diraient: moins marquants), le virage négocié: après le beat résolu, anthracite-pourpré, classieux, de l’Electric Crayon Set, il s’agit ici de pop psychédelique enjouée ou paisible, translucide, éthérée; plus cloud que groovy pour être honnête. On goûte des échos lointains des volumes Pop-Sike Pipe-Dream et  49thMinutes TechnicolorDream  : langueurs évanescentes ou ambitions beatlelesques. Ce disque serein, quasi toujours bon, parfois délicieux, ne comporte guère de moments de folie, ni de décharges d’électricité, à l’exception de deux grands classiques du psyché anglais: “Shades Of Oranges” des malchanceux The End, dont PlanetGong a déjà expliqué tout le bien qu’il faut penser (ici), et le royal chef-d’oeuvre de The Accent: “Red Sky At Night” – ses éclairs ralentis, ses douces tornades de guitares, ses vocaux voilés d’outre-monde.

Pour réjouir les snobinards et les monomanes que nous nous flattons d’être, la majorité des groupes ici proposés sont encore plus obscurs et anonymes qu’à l’ordinaire: Two & A Half ? Life’n’Soul ? Pudding ? Ces artisans de l’ombre, inspirés pour la plupart, ne jouent pas tous dans la même catégorie. Si le seul intérêt de la version du “Magic Bus” est d’anecdote (sa sortie avant celle des Who), en revanche “8 ½ Hours To Paradise” (The Elastic Band) pastiche efficacement les Small Faces. Les farfelus Kinsmen et leur singulière histoire de jardinier suicidaire, ou Turquoise, groupe dont le nom nous est déjà plus familier, tranchent avec leurs rythmes plus ludiques ou sautillants. Mais dans l’ensemble, surnagent quelques uns des moments les plus doux de Rubble, aux vertus balsamiques évidentes (“Beggars Parade”, “I’ll Cry With The Moon”, “Suburban Early Morning Station”).

Deux titres forts et rarement répertoriés marquent dès la première écoute. Les accords cristallins du “Anniversary Of Love” par Ice, dont on connaît le saugrenu “Ice Man”, frappent d’un coup au coeur. La mélodie poignante du couplet contraste avec l’envol du refrain, plus ample et apaisé. Enfin Tinkerbell’s Fairydust offre une singulière et fervente mélopée, fragile et incantatoire. On dirait parfois les musiciens à la limite de l’évaporation. C’est dans cette tonalité que l’on préfère ce Clouds Have Groovy Faces, disque malgré tout noble et fin, travail de rêveurs pop nébuleux. Pour retrouver les excès et les démesures si impressionnantes des premiers Rubble, il faudra néanmoins patienter jusqu’au volume 8, suavement intitulé: All The Colours Of Darkness.

 

 

Tracklisting : 

1. The Fairytale – Lovely People *
2. The Kinsmen – Glasshouse Green Splinter Red
3. The Poets – I Am So Blue
4. Ice – Anniversary Of Love *
5. The End – Shades Of Orange *
6. Turquoise – Tales Of Flossie Fillet *
7. Pudding – The Magic Bus
8. The Attack – Neville Thumbcatch *
9. The Accent – Red Sky At Night *
10. The Elastic Band – 8½ Hours To Paradise
11. The Attack – Created By Clive
12. Two & A Half – Surburban Early Morning Station
13. Life ‘n’ Soul – Peacefully Asleep
14. The Poets – I’ll Cry With The Moon
15. Falling Leaves – Beggars Parade
16. Tinkerbell’s Fairydust – 20-10 *

 

Vidéos : 

The Fairytale – Lovely People

 
The Accent – Red Sky At Night
 
 
Tinkerbell’s Fairydust – 2010
 
 
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