THE DEVIANTS – Ptooff !

Anarchy in the UK

(Impressario 1967)

Difficile de faire groupe plus influent dans l’histoire du punk anglais que The Deviants. Telle affirmation aura de quoi faire sourire quelques vieux de la vieille mais elle est pourtant difficilement réfutable: le leader de ce groupe était Mick Farren, figure légendaire de l’underground londonien. Le vrai parrain du punk anglais, nettement plus subversif et impliqué dans la contre-culture qu’un Mick Jagger ou qu’un Iggy Pop (dont l’attitude outrancière sur scène était finalement la seule vraie marque de rébellion). Son premier groupe, créé au milieu des années soixante se nommait The Deviants, et portait en lui les germes de la révolte punk à venir une décennie plus tard.

Pour Farren, tout a commencé dans le quartier de Ladbroke Grove, au sud-ouest de Londres (aujourd’hui havre de paix pour bourgeois-bohème locaux) entre Portobello Road et Chelsea. En 1967 c’était le quartier des freaks, des camés et des musiciens. Hendrix y vivait, les furieux d’Hawkwind y faisaient la manche quand ils ne trainaient pas au pub local (le fameux Mountain Grill immortalisé dans un titre d’album), Lemmy y traînait, tout comme les membres de Tomorrow, les Pretty Things et les futurs Pink Fairies[i]. Parmi cette faune interlope, un freak encore plus louche que tous les autres réunis régnait en maître incontesté : Mick Farren. Un intellectuel, un provocateur, un rocker politique à la tignasse aussi folle que celle de Rob Tyner, un écrivain, auteur d’articles engagés dans le journal underground International Times. Quand les hippies de San Francisco et de Carnaby Street célébraient la paix et l’amour et collaient trois notes de sitar dans leur musique pour faire frissonner le quidam, Farren ruminait dans son squat ses rêves d’anarchie qu’il défendait dans la presse parallèle et qu’il allait bientôt mettre en musique.

Inspiré par l’attitude avant-gardiste et dadaïste des Mothers Of Invention et des Fugs, Farren créa ainsi avec sa communautés de freaks des bas-fonds The Deviants, dont le premier album à la pochette pop-art à six volets est restée célèbre. Sorti en 1967 et connu sous le nom de Ptooff! en raison de l’onomatopée présente sur la pochette (alors que le nom officiel de l’album présenté à l’intérieur s’avère être The Underground Deviants LP), ce disque présente un groupe décidé à bousculer les codes et sortir l’auditeur de son petit confort. Les guitares sont lourdes, stridentes, des sons anxiogènes traversent les morceaux, Farren chante les dents serrées, hurle, exhorte le peuple à la rébellion. C’est un album urbain, décadent, sale, mais aussi lumineux et d’une richesse folle. Une saine réaction à la petite bourgeoisie pop de l’époque qui cavalait en costumes bariolés et dont la thématique des chansons tournait autour des pissenlits et des champs de fraises.

L’ouverture “I’m Coming Home” est sans doute le morceau le plus connu du groupe, un chef d’Å“uvre de rage retenue, aux paroles menacantes (“I’m coming home / Gonna walk down your street / Gonna walk on your block /… “) portées par un rythme implacable de marche militaire qui s’accélère au fur et à mesure que la tension monte. En contrepoint de cette vision apocalyptique, l’album contient de nombreuses chansons acoustiques à la mystique typique de l’époque (“Bun”, “Child Of The Sky”, certains titres ne trompent pas) mais garde toujours une aura mystérieuse. Une attitude rock’n’roll certaine, palpable du blues de “Charlie” (histoire d’un tueur de flics) à ce “Garbage” inspiré de Bo Diddley et surtout “Deviation Street” variation arty de 9 minutes sur le riff de “Wild Thing”, traversée de passages parlés aux textes subversifs et de collages sonores effrayants (cris, armes à feu.). Un délire psychédélique très avant-gardiste pour l’époque, et toujours aussi dérangeant plus de 40 ans après sa conception.

On regrettera juste que le groupe fait le coup du collage sonore deux fois dans l’album (les 4 minutes de “Nothing Man” sont dispensables), ce qui demeure sans doute la seule faute de goût de ce Ptooff!, mélange aussi instable et explosif que l’annonce sa pochette. L’anarchie n’a jamais sonnée aussi bien sur disque, n’en déplaise aux Sex Pistols, aimables poupées de chiffon qui ont effrayé le bourgeois le temps d’une saison[ii] mais n’ont jamais eu la profondeur et la folie de ces Deviants.

 

 

Tracklisting :

1. “Opening” (Bishop/Farren/Hunter/Rees/Sparkes)
2. “I’m coming Home” (Bishop/Farren/Hunter) *
3. “Child Of The Sky” (Farren/Rees/Hammond)
4. “Charlie” (Bishop/Farren) *
5. “Nothing Man” (Farren/Moore)
6. “Garbage” (Bishop/Farren/Hunter) *
7. “Bun” (Rees)
8. “Deviation Street” (Farren)

 

Vidéos :

“I’m Coming Home”

 

 

Vinyle :

The Deviants - Ptoof

The Deviants - Ptoof

The Deviants - Ptoof


[i] Pour plus d’informations sur cette scène fascinante, nous vous recommandons l’écoute de la compilation Cries From The Midnight Circus :  Ladbroke Grove 1967-78 .
[ii] Oui le punk fut salutaire. Non les Sex Pistols ne sont pas le plus grand groupe de tous les temps. Merci, bonne soirée.
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4 Commentaires
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Frank
Invité
9 mars 2013 5 h 03 min

Excellent article d’un album découvert… il y a deux jours .

De ta chro’ je retiens cette phrase, magique, pleine d’a propos : “Une saine réaction à la petite bourgeoisie pop de l’époque qui cavalait en costumes bariolés et dont la thématique des
chansons tournait autour des pissenlits et des champs de fraises.”

Qu’ajouter de plus ? Rien.

Enfin si : merci.

MC5 m'a tuer
Invité
MC5 m'a tuer
9 mars 2013 5 h 44 min

Ah ah, ben qu’est-ce qu’il se passe, un riche t’a piqué ton goûter ?  Fantastique, encore merci !

Cool Jerk
Invité
Cool Jerk
12 mars 2013 1 h 55 min

C’est l’original que tu as pour avoir la version pochette dépliante ainsi ou une réédition ?

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