Chocolat et Radiator au Point Éphémère (Paris, 4 novembre 2015)

Les absents ont toujours tort

Avouons-le, nous étions méfiants : impossible de se trouver un collègue pour ce foutu concert. « Trop loin », « pas assez bien », « chiant »… ça faisait beaucoup de quolibets à oublier. Nous allâmes seuls au Point Ephémère. La première partie, Radiator, figurait un duo bluesy, avec une batterie qui tape et une guitare demi-caisse. Qu’est-ce que ça veut dire, bluesy ? Ça veut dire du blues, mais sans faire du blues, du blues avec des moyens contemporains, de la réverbération, des gros accords plaqués qui veulent faire peur. Le front est grandement clairsemé ; pas facile dans ces conditions de lancer la machine. « On n’a pas d’album à vendre » déclare-t-on à l’audience, déclenchant un nombre déterminé de rires. Entre deux morceaux, on entend l’électro de la salle de derrière. Ça fait un peu vide, on se dit qu’une petite salle eût mieux convenu. On prédit que ça ne sera pas mieux pour Chocolat et que Born Bad a forcé la main et veut faire de la grosse date avec ses chouchous alors que la notoriété n’y est pas.

C’est la mi-temps, dehors on note une abondance de cirés jaunes, mais il ne pleut pas et les flots du canal restent immobiles. Deux clochards s’engueulent en face. Une armée de joggers venue de nulle part descend sur les quais et s’engouffre dans la salle où continue de résonner de la musique électronique. Le concert ne les intéresse pas. Vont-ils commander des boissons fraîches pour se désaltérer ou carrément se prendre un petit menu peinard au restau ? Je ne le saurai jamais, je rentre assister au concert de Chocolat, un peu plus méfiant encore.

Mais déjà la foule s’est accrue et avec elle nos espoirs. Votre chroniqueur est fade et mal assuré, il est attentif à l’avis général et celui-ci semble positif. Les corps se dandinent car le rythme est bon, la bonne ambiance québécoise rassure les âmes inquiètes. Le groupe, bonnes gueules aux cheveux longs et grands sourires, déroule un fier boogie 70s traversé de nerveuses embardées de Rickenbacker. On approuve naturellement cette brusque modification de l’atmosphère automnale. Le bassiste est resté au Canada, ses papiers n’étant pas en règle, mais cette négligence justement réprimée est plutôt bien compensée par le clavier, quand ce n’est pas le guitariste lead qui s’y attelle en abandonnant son instrument. Toutes les années soixante-dix y passent avec une énergie qui berloque et des paroles en français (chez moi ça fait deux points), et dans les meilleurs moments on atteint les paradis enchantés de l’avant-gardisme surréaliste et joyeux qu’avaient fait briller Gong et quelques autres.

Comme de normal, plus le concert avance, plus les morceaux s’allongent. Mon voisin également s’allonge — votre chroniqueur, fade et mal assuré, est également fort anémié et a choisi les banquettes —, jusqu’à s’endormir carrément sur une ballade qui pourtant se prolonge agréablement. Le dernier morceau le réveille en sursaut et il reste un peu de bave sur sa joue, mais je n’ai pas le cœur de le lui signifier. Devant nous les gens ont l’air heureux et moi-même, revitalisé, je galope sur 3 stations avant de me ré-ajuster à l’ambiance globale — le dernier pic de pollution n’est pas très loin.

 

On peut écouter Chocolat sur leur bandcamp et Radiator sur leur soundcloud.

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