THE RAKES – Ten New Messages

Retour synthétique

(V2 2007)

The Rakes ont débarqué il y a deux ans avec un art-punk dansant tout en ruptures. On parle là de ces riffs de guitare nerveux qui venaient lancer leurs refrains comme dans “Strasbourg” ou “The Guilt”, du jeu de guitare chaloupé de “Retreat” et “Violet”, ou des breaks de “22 Grand Job”. L’album s’achevait sur un morceau plus synthétique à la rythmique binaire limite krautrock intitulé “Work, Work, Work (Pub, Club, Sleep)”, annonciateur des temps à venir. La new wave de “All Too Human” (single paru entre les deux albums) allait suivre bientôt, confirmant que les Rakes désiraient évoluer dans une direction moins électrique. Cette évolution stylistique est aujourd’hui complète avec Ten New Messages.

L’album s’ouvre “The World Was A Mess But His Hair Was Perfect”, la sœur jumelle de “Work, Work, Work…”. Seul le petit motif de guitare permet de différencier les deux, avec les paroles évidemment. Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point celles-ci ont évolué depuis le premier opus des Rakes. Alan Donahue décrivait en 2005, la vie frénétique des jeunes londoniens, partagée à un rythme dément entre un boulot désespérant et des nuits d’excès pour s’échapper du quotidien. Leur musique faisait remarquablement écho à ces textes, fonctionnant elle aussi sur un mode on/off.

Deux ans plus tard, Donohue parle de racisme, de problèmes de société, de désenchantement en général : les attentats du 7 juillet 2005 ont laissé des traces et éveillé la conscience politique des londoniens (il n’y a qu’à écouter l’album de Bloc Party pour s’en convaincre). Les histoires d’amour se font sous les bombes au mépris des couvre-feux (“We Danced Together”), on s’interroge sur le racisme ordinaire en Grande-Bretagne (“Suspicious Eyes”), sur la foi inébranlable des terroristes (“On A Mission”), et comme le monde s’écroule, on se dit qu’il vaut mieux vivre à fond tant qu’il est encore temps (“Trouble”, “Time To Stop Talking”).

Si l’esprit de fête n’a pas disparu du répertoire des Rakes, elle a désormais un goût amer et éveille un sentiment de culpabilité. Les chansons sont plus réfléchies, plus longues. Le tempo est ralenti, les fulgurances punk ont laissé place à un art-rock robotique, carré, froid mais terriblement efficace. Une véritable machine de guerre est-allemande. La comparaison avec Franz Ferdinand n’est plus pertinente.

Tout au long de Ten New Messages, le groupe délivre un flux de chansons qui s’enchaînent avec une étonnante fluidité. Chaque chanson semble être une variation sur un même thème, chacune d’entre elles possède une aura sombre particulière, une nuance différente dans une palette allant du gris clair au gris sombre sans jamais verser dans le misérabilisme. On peut distinguer les morceaux “The World Was A Mess But His Hair Was Perfect”, “Trouble”, “Time To Stop Talking”, “On A Mission” des autres car ils se rapprochent du premier album avec leurs sonorités punk et leur tempo relevé. Le reste est plus calme et possède un son new wave synthétique et une batterie binaire (qui se contente parfois de marquer le tempo) qui peut irriter, comme lors du morceau “When Tom Cruise Cries”. On pense parfois aux Strokes de First Impressions Of Earth, notamment sur l’excellente “Suspicious Eyes”. Cette chanson propose par ailleurs la présence surprenante d’une chanteuse puis de rappeurs qui viennent enrichir la chronique sociale de Donohue. Un mariage ambitieux et plutôt réussi.

Un aspect surprenant du disque concerne aussi les chansons lentes. On trouve avec “Little Superstitions” un love-song plutôt classique où Donohue se la joue chanteur triste, mais ce n’est rien à côté de “Leave The City And Come Home” où on croirait entendre du Coldplay – période A Rush Of Blood To The Head. De la mélodie au chant  (sur ce morceau, la voix de Donohue prend des intonations incroyablement proches de celle de Chris Martin), en passant par l’emballage sonique, la comparaison est inévitable. Franchement surprenant de la part d’un groupe qui affirmait à ses débuts qu’il avait pour ambition de “ne pas sonner comme Coldplay”.

Ce morceau est – heureusement – placé en fin d’album et ne casse pas la cohérence de cet excellent album qui possède plusieurs morceaux de classe (à commencer par le single “We Danced Together”), sans être aussi fulgurant que Capture/Release néanmoins. On commence à avoir l’habitude de voir des groupes se planter après un album, The Rakes s’en tirent plus que bien avec ce Ten New Messages cérébral et désabusé, mais jamais emmerdant.

 

 

Tracklisting :

1 World was a mess but his hair was perfect   *
2 Little superstitions
3 We danced together   *
4 Trouble   *
5 Suspicious eyes
6 On a mission
7 Down with moonlight
8 When Tom Cruise cries
9 Time to stop talking   *
10 Leave the city and come home

 

Vidéos : 

“The World Was A Mess But His Hair Was Perfect”

 
“We Danced Together”
 
 
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5 Commentaires
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Ska
Invité
Ska
22 avril 2007 0 h 49 min

Eh bien, je sors du concert de l’Elysée Montmartre absolument conquis. Les morceaux du deuxième album passent beaucoup mieux en live. Ils se mêlent très naturellement à ceux du premier album. The Rakes est bel et bien un très bon groupe de scène (mais à voir surtout dans une petite salle car en festival je n’avais pas été spécialement enthousiaste). Et surtout Alan Donohue est incroyablement charismatique, se lançant dans des chorégraphies improbables absolument fascinantes. Ce mec a vraiment la classe. Il ne pose pas. C’est suffisamment rare dans la nouvelle génération de groupes anglais pour être souligné.

pixel2hot
Invité
pixel2hot
23 mars 2007 1 h 07 min

OUI…

Merci pour cette excellente chronique, et  pour ton blog que je trouve très très bien bon bourré (de talent).

Pour la chronique ici présente, j’y ajouterai une chose : 10 chansons de ce calibre, c’est trop court…

J’attends avec impatience ta chronique de the horrors, en espérant que tu ne la postes pas avant la mienne…  Comment cela paradoxal ?

Pour l’instant, c’est The rakes mon album fétiche, il est parvenu à détrôner the good, the bad and the queen…  Quoique.

En tout cas, l’année 2007 démarre en trombe…..

Amicalement

Pix.

Alex la Baronne
Invité
26 mars 2007 5 h 52 min

Arf, je viens d’acheter le CD, le vrai… L’artwork est déprimant de vacuité, pas de quoi relancer l’industrie du disque… Pour un peu, et si j’aimais moins les Rakes, je n’aurais même plus envie de l’écouter !

Alex la Baronne
Invité
27 mars 2007 5 h 14 min

… Et tu n’as pas vu l’intérieur ! (j’envisage d’en faire une photo tant il est déprimant)

Alex la Baronne
Invité
10 avril 2007 1 h 51 min

Zut, après 5 bonnes écoutes, je ne peux m’empêcher d’élever une petite voix discordante :  Ten new messages m’emmerde assez profondément. Je le trouve mou. Allez, un petit Capture/Release me consolera.

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