(Voxx ; 1986)
Au beau milieu de la décennie la plus pathétique de l’histoire du rock’n’roll, quelques groupes de rock ont tenté de faire revivre, à défaut de l’entretenir, la flamme garage-rock des années soixante. Loin de la musique matraquée à la radio – et à la télé par les chaînes musicales en plein développement –, très loin des mastodontes rock qui, pour retrouver un peu d’inspiration et avoir l’air cool, avaient cru bon de se coiffer avec les cheveux courts devant, et longs derrière. Dylan, Bowie, tous les Rolling Stones (à l’exception de Charlie Watts), McCartney, etc. tous ceux qui n’étaient pas morts devaient le regretter : en 1986, le rock ne ressemble à rien.
Par principe, ou parce qu’ils étaient trop pauvres pour se payer l’équipement, quelques artistes n’ont pas cédé à la tentation de doter leur groupe d’une boîte à rythme qui sonne comme un vieux pot de plastique, d’une basse post–funk à l’ampleur synthétique ignoble, et à l’incroyable variété de synthétiseurs qui s’abattaient sur la production musicale comme la misère sur le pauvre monde. La voie qui se présentait devant ces groupes leur permettait encore de choisir entre différents sous-genres musicaux, en fonction de leurs préférences et de leurs capacités musicales. Pour les Primates, un groupe originaire de Los Angeles, la démarche choisie était clairement de se situer dans la descendance des groupes aujourd’hui regroupés dans les compilations de garage–rock sixties (Nuggets, Back from the Grave et… Pebbles, dont le responsable, Greg Shaw[1], est aussi crédité comme co-producteur de l’album des Primates).
Dès le début d’album, la prévisible introduction parfaitement imbécile de soi-disant cris de singes, le groupe revendique cette forme de régression sonore, ce refus de l’évolution musicale : le premier morceau (« I ain’t like you ») rappelle furieusement les 13th Floor Elevators. Les douze morceaux qui constituent ce disque ne dérogent jamais au crédo garage : la priorité est donnée à l’énergie, à l’envie de faire bouger l’auditeur avec des moyens qui ont fait leurs preuves depuis 1965 : une rythmique solide, prédominance du riff de guitare efficace sur la virtuosité d’un soliste, chant plein de morgue, et fuzz à tous les étages… La durée des chansons est aussi éloquente : avec ses douze pistes, le disque reste en- dessous de la demi-heure de musique. La vraie bonne surprise – celle qui différencie The Primates des nombreux autres groupes garage – réside dans la qualité des compositions : les deux morceaux marquants encadrent l’album (« I ain’t like you » et « The Creep »), sans que le rythme ni la qualité de l’ensemble ne faiblisse à aucun moment.
We are the Primates était originellement sorti par Voxx Records, mais il a été récemment réédité (en vinyle !) par Soundflat Records ; vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas vous procurer cet indispensable disque de garage–rock.
Liste des chansons :
- I ain’t like you *
- Just my kind *
- Get Outta here !
- Sometimes she
- Outside *
- Cheat Steal Lie
- You Drive Me Wild
- I Got Nightmares * (Q65)
- I Go Ape
- Born Loser (Murphy and the Mob)
- Bad Luck
- The Creep *
Un MySpace dédié aux Primates : www.myspace.com/theprimatesfanpage
La page du groupe chez Soundflat Records.
[1] Outre le fait d’avoir compilé les morceaux pour la série des Pebbles, Greg Shaw (1949-2004) était connu pour avoir dirigé le label Bomp ! Records, associé au label Alive Records depuis 1994.