Ce qu’on n’imaginait pas, le jour ou on a investi 300 balles dans un ticket de concert pour aller voir le festival londonien du O2 Wireless Festival dans l’immense pelouse d’Hyde Park, c’est qu’on serait a Paris le matin meme, en train de plancher sur un examen et de maudire personne et tout le monde a la fois. Consequence malheureuse de cette concordance des dates : notre festival s’en est retrouve considerablement allege. De l’allechant line-up de l’affiche – Dirty Pretty Things, Raconteurs, Belle & Sebastian, Strokes – ne restait que la moitie quand on arriva a 18h30, tout frais sorti de l’Eurostar et du metro.
Manquer le set des Dirty Pretty Things ne fut pas un drame en soi. Les ayant vu quatre fois en l’espace d’un mois – sans compter le tournage de “Deadwood” -, c’etait un luxe qu’on pouvait se permettre. Par contre, le fait d’arriver a trois morceaux de la fin du concert des Raconteurs fut desesperant. “Broken Boy Soldier”, “Blue Veins”, “Hands”. Voila ce qu’on a vu. Difficle des lors de juger la qualite de ce groupe. On a surtout ete marque par la mollesse generale de l’ensemble et le collier de barbe facon amish de Jack White. Une deception ? Difficile a dire. On aurait adore entendre l’excellent “Steady As She Goes” ou les reprises de “A House Is Not A Motel” de Love et “It Ain’t Easy” (popularise par David Bowie sur Ziggy Stardust). Tant pis.
Alors que le vent se levait et que quelques jeunes anglaises en tongs et mini-jupes commencaient a marquer les pelouses de leur empreinte biliaire, Belle & Sebastian prirent la scene d’assaut – facon de parler bien evidemment. Commencant par “Stars Of Track and Fields” histoire de mettre tout le monde d’accord, le quintuor?sextuor?septuor?octuor? ecossais entama un concert entierement compose des morceaux de son recent album, le tres bon The Life Pursuit. Vent glacial, voix defaillante de Stuart Murdoch – peut-etre enroue -, public peu concerne… la prestation du groupe fut loin d’etre l’explosion pop qu’on attendait. Une legere deception, d’autant qu’une evidence nous est apparue alors qu’on assistait a ce concert : les chansons et les orchestrations de Belle & Sebastian sont magnifiques. Si seulement ils avaient joue une selection plus diversifiee de tous leurs albums! Pas de “The Boy With The Arab Strap”, ni de “Piazza New York Catcher” ou “Expectations” ce soir. Ca fait quand meme raler…
Le temps d’aller chercher une biere dans une de ces stands demesurement grands et les Strokes etaient deja sur scene, les cheveux toujours plus longs et les jeans toujours plus serres. Entamant leur set quasi-exclusivement avec des morceaux issus de leur recent First Impressions Of Earth (les singles “Heart In A Cage” et “You Only Live Once” puis “The End Has No End” du second album puis “Red Light” et “Juicebox”), les Strokes prirent le risque de faire un flop d’entrée. Pas de probleme de ce cote la, le public ci-present connaissait parfaitement sa lecon et leur apporta son soutien total.
Sans surprise, le premier morceau tire d’Is This It crea une mini-emeute. “Someday” fut une claque monumentale pour les milliers de personnes ici, et la preuve indeniable que les Strokes envoient du lourd sur scene. Les statues poseuses et timides qu’on avait vu en 2001 en concert se sont muees en un veritable groupe de rock, ou certes Julian Casablancas n’en fait pas des masses, mais ou les guitaristes flambent comme il n’est plus permis depuis la fin des annees 80. Les soli – excellents, toujours tres inspires – de Nick Valensi commencent a tourner a la demonstration technique vaine mais reussissent encore a garder l’equilibre en leur faveur. Sa coiffure hair-metal-80s elle souleve quelques interrogations. Les Strokes seront-ils les nouveaux Europe ou Def Leppard? Le chant – souvent erratique il faut bien avouer – de Julian Casablancas ne leur permet pas encore de suivre cette voie la. Ouf.
Encore en train de promouvoir leur recent disque, les Strokes ont laisse les morceaux du troisieme album occuper la quasi integralite de la set-list. Le probleme, c’est qu’apres avoir goute du premier album, le public en redemandait. Quand Casablancas se mit a crooner et que Valensi sortit le synthetiseur pour jouer le soporifique “Ask Me Anything”, notre patience fut serieusement testee.
“Reptilia” arriva ensuite reveiller les troupes. De tres loin le meilleur morceau de l’album Room On Fire (leur deuxieme), ce morceau s’avera aussi le meilleur de la soiree. Les Strokes deciderent alors de passer la vitesse superieure pour terminer leur concert en beaute. “Vision Of Division” et l’extraordinaire “Barely Legal” terminerent le set de maniere energique avant un rappel rageur.
Apres les 5 minutes traditionnelles de faux depart, les Strokes revinrent sur l’emmense scene de l’O2 Wireless Festival. Un riff qui resonne dans le ciel londonien, un refrain federateur, “New York City Cops” a ensuite mis le public en transe pour trois minutes memorables.
La surprise de la soiree survint dans la foulee de cette pepite punk. Le groupe qui se faisait fort en 2001 de ne jamais faire de reprise (ceci ayant pour resultat des concerts de moins de 45 minutes), se lanca dans celle, toujours delicate, d’un des plus grands classiques du rock new yorkais, “Walk On The Wild Side” de Lou Reed. Il n’est nul besoin de preciser que l’accent trainant de Casablancas colle parfaitement a la chanson que le groupe a interprete superbement, jusqu’au solo de saxophone transcrit a la note pres par l’eclatant Nick Valensi. La seule fausse note concerna le public : on devait etre a peu pres trois a chanter le refrain et ses fameux toumdoumtoumdoumtoum. Excellent moment neanmoins.
Le concert s’acheva comme d’habitude sur “Take It Or Leave It”, ultime chanson precedent le depart de millier de personnes pleines de biere vers le metro le plus proche. Hyde Park se trouvant a proximite des quartiers chics de Knightsbridge et South Kensington, la faune locale a du etre horrifiee devant tel deferlement en masse de silhouettes titubantes. Dire que la semaine prochaine on rentre en France…