(V2 2006)
Que deviennent les Datsuns ? On est plutôt surpris du relatif anonymat dans lequel sort le troisième album d’un groupe plutôt populaire qui, les soirs de concert, réussit tout de même à réunir dans la même salle fans de métal bas du front lecteurs de Rock Sound et amateurs de rock garage sans complexes.
La vague garage de 2002 a fait long feu. Vines, Hives, Libertines, Bellrays? Connais pas ! Aujourd’hui, si on en croit la presse, ce qu’il faut écouter c’est des mecs de 17 ans qui chantent avec un accent du Yorkshire. A 25 ans, les Datsuns sont véritablement trop vieux… On est un peu navré pour tous ces suiveurs de mode qui vont de fait rater l’excellent Smoke And Mirrors, l’album le plus ambitieux du groupe néo-zélandais à ce jour.
On avait déjà salué en 2004 le risque pris par les Datsuns sur l’album Outta Sight/Outta Mind concernant la production. Ils s’étaient alors loués les services de John-Paul Jones pour ne plus sonner comme un groupe garage, et possédaient désormais un son ample et puissant, forcément à la Led Zeppelin. Smoke & Mirrors pousse le bouchon encore plus loin. Le groupe a décidé d’expérimenter avec des sonorités venues d’autres horizons musicaux que le sien. On connaissait les Datsuns comme étant un groupe rock’n’roll sans fioriture ; cette époque est révolue. Il semble que Dolf et ses potes ont eu envie d’enrichir leur hard-rock de sons SF, de guitares acoustiques, de pedal steel et de… chœurs gospel. L’album qui en résulte est surprenant, varié et réussit à être cohérent.
Le premier choc ici se situe au niveau de la troisième plage, “Waiting For Your Time To Come” qui arrive après deux grosses baffes rock’n’roll typiquement datsuniennes. Dans ce morceau, le groupe se lance dans une ballade space-rock des plus ambitieuses et, contre toute attente, réussit haut la main ce pari risqué. La guitare acoustique, le riff planant à la David Gilmour, la batterie explosive, les effets sonores qui sillonent entre les enceintes déconcertent et séduisent. On n’attendait pas les Datsuns sur ce terrain… et on n’est pas au bout de nos surprises.
On retrouve plus loin dans l’extraordinaire “Stuck Here For Days” une guitare slide saturée qui renvoie aux tonalités blues de groupes comme les Soledad Brothers ou même les White Stripes. Le groupe va plus loin encore avec un “All Aboard” accompagné d’un chœur gospel féminin et basé autour d’une structure bluegrass. On est ici très proche du récent Howl de Black Rebel Motorcycle Club. Etrange mais plutôt convaincant.
Evidemment, les Datsuns demeurant ce qu’ils sont, on retrouve ici avec grand plaisir quelques unes de ces épopées rock’n’roll qui font leur charme – vous savez, ces morceaux batis autour d’un gros riff à la Motorhead et d’une batterie évoquant la charge d’un troupeau d’éléphant. “Who Are You Stamping Your Foot For?”, “Maximum Heartbreak”, “Such A Pretty Curse”, “Emperor’s New Clothes” rassurent quelque peu sur la vie – les Datsuns comme on les aime, bêtement primitifs. Le groupe ne peut cependant s’empêcher de leur ajouter une petite touche de blip-blips ou de claviers qui font la spécificité de Smoke & Mirrors dans la discographie des Datsuns. Le meilleur morceau ici dans ce répertoire est sans doute le single “System Overload”, qui rappelle “Harmonic Generator”, mais avec un solo de Christian Datsun encore plus masturbatoire.
Smoke & Mirrors est l’album experimental des Datsuns. Tout ici leur semble permis. Leur heavy-métal est tour à tour cosmique, country, gospel et le groupe ne sombre jamais dans le ridicule. A vrai dire, la seule fois où on a franchement envie de zapper une piste ici demeure lors du morceau “Blood Red”, qui sonne comme une mauvaise ballade punk californienne taillée pour MTV. Un truc consensuel chiantissime qui aurait mieux fait de se retrouver en face B de single, preuve que les Datsuns ne sont jamais loin de se vautrer.
Il ne manque à cet album qu’un tube aussi jouissif que “MF From Hell” pour en faire un véritable must. Le grand changement qu’apporte Smoke & Mirrors, c’est que le groupe laisse entrevoir un avenir empli de promesses. Quelques unes des expérimentations ici sont tout simplement géniales (on pense notamment aux morceau les plus planants ou acoustiques) et on en redemande. Qui aurait cru que les Datsuns pourraient devenir un groupe à ce point varié et captivant? Il semblerait que de véritables artistes se se cachent derrière leurs masques de barbares…
Tracklisting :
1. Who Are You Stamping Your Foot For?
2. System Overload *
3. Waiting For Your Time To Come *
4. Stuck Here For Days *
5. Maximum Heartbreak
6. All Aboard
7. Such A Pretty Curse
8. Blood Red
9. Emperor’s New Clothes
10. Too Little Fire
Vidéos :
“Stuck Here For Days”
Vinyle :