(Stag-O-Lee 2010)
C’est le choc de cette fin d’année, une rencontre stellaire qui remet le terme de “super-groupe” à sa juste place. Parce qu’un super-groupe ne devrait pas être la rencontre de célébrités cherchant chez d’autres l’inspiration qu’ils n’ont plus – comme c’est souvent le cas aujourd’hui, de Dead Weather à Fistful Of Mercy. On le conçoit plutôt comme la rencontre de musiciens reconnus au sommet de leur art qui, par le biais d’une rencontre, d’une amitié, décident d’associer leurs talents. Pensez Cream, Crosby, Stills, Nash & Young, Sonic’s Rendezvous Band ou même The Dirty Mac.
Dans le rayon blues-rock, les grandes sensations de ces dix dernières années sont souvent venues du label californien Alive Records, infatigable pourvoyeur de talents à qui l’on doit la diffusion planétaire des œuvres d’artistes plus talentueux les uns que les autres. Parmi eux, deux poids lourds du punk-blues : les Soledad Brothers et Black Diamond Heavies, que le destin vient de rapprocher le temps d’un album, d’une tournée, et de plus espérons-le.
L’histoire de Cut In The Hill Gang a commencé à la dissolution en 2006 des Soledad Brothers, trio venu d’Ohio et lié à la scène de Detroit (Johnny Walker a contribué aux premiers albums des White Stripes à la slide). Le batteur Ben Swank a alors rejoint Jack White pour l’assister dans la création de son label Third Man Records, le guitariste Oliver Henry s’est lancé dans une carrière solo sous le nom de Brian Olive, et le guitariste / chanteur Johnny Walker a créé – après quelques années de silence radio, notons-le – Cut In The Hill Gang, un trio dans la même veine que son précédent groupe, nommé d’après une route taillée à flanc de montagne particulièrement meurtrière située à proximité de Cincinnati. Le groupe a sorti un premier album sorti en 2009, l’excellent Hung Up.
De leur côté, les Black Diamond Heavies sont un des groupes les plus furieux de la planète blues. Un duo orgue hammond / batterie mené par pianiste à la voix rauque nourrie par une saine consommation de clopes et de whiskey nommé John Wesley Myers – aussi connu sous le nom de James Leg. Après deux albums intenses (Every Damn Time et A Touch Of Someone Else’s Class), le groupe a sorti en 2009 un album live bien nommé Alive As Fuck. C’est ici que les trajectoires des deux groupes se rencontrent : le concert à la source de cet album a été enregistré dans l’appartement de Johnny Walker à Covington, Kentucky. On ne sait de quand date la première rencontre entre Myers et Walker mais ces deux-là ont l’air de s’être trouvés : dans la foulée de la dernière tournée des Black Diamond Heavies, Myers a rejoint Cut In The Hill Gang, pour le bonheur de tous les amateurs de blues-rock garage.
Notons pour être complets que le guitariste Reuben Glaser, leader du groupe Pearlene, impliqué lui aussi dans l’enregistrement et le mixage d’Alive As Fuck, est aussi de la partie. Il prend la place du guitariste Brad Meinerding, spécialiste du bluegrass – ce qui, en plus de l’addition de l’orgue saturé de Myers, place le groupe dans une approche plus électrique – et occupe le siège de producteur. Sans surprise, Mean Black Cat est un fabuleux album de blues rugissant interprété avec énergie et classe. Les quatre musiciens y font dix reprises de morceaux anciens et récents tous situés dans le registre du blues ou en périphérie proche, du rock’n’roll de “Please Gimme Something” au R’n’B groovy de “Help Me” et “Come On Home”. En plus d’un son garage idéal, sale et puissant, le groupe possède une personnalité forte qui lui permet de se démarquer de la masse grâce à l’harmonie entre le clavier de Myers et le jeu de guitare de Walker.
Parmi les reprises étonnantes, outre un medley “Fuck The People / Revolution” où Cut In The Hill Gang télescope Kills et Spacemen 3, on trouve “I Wanna Holler”, morceau de Gary US Bonds récemment popularisé par les Detroit Cobras sur leur album Baby. John Wesley Myers s’égosille devant une rythmique tribale et des chœurs féminins dans une version assez proche de l’originale mais marquée par les éructations animales de l’organiste. Dans le registre du punk-blues le plus agressif, “Don’t Ever Leave Your Daddy At Home”, et le medley “Let’s Get Funky / Black To Comm” (croisement entre Hound Dog Taylor et MC5 !) placent la barre très haut. Côté soul, “The Right To Love You” est sans doute ce qu’on a fait de mieux dans le genre cette année, et sur le blues pur et dur, Walker démontre toute l’étendue de sa classe sur “Serves Me Right To Suffer” de John Lee Hooker.
A l’aise dans tous les genres, Cut In The Hill Gang impressionne et frappe très fort sur ce deuxième album qu’on n’ attendait pas à un tel niveau. Si on avait aimé Hung Up, l’adjonction des talents sur ce Mean Black Cat porte Cut In The Hill Gang au niveau des meilleurs albums des Soledad Brothers et des Black Diamond Heavies. On reproche souvent aux albums de reprises d’être très chiants, vains, sans imagination. Alors que les Detroit Cobras ont perdu de leur mordant et que les Morlocks viennent de reprendre le catalogue Chess de façon assez scolaire, Cut In The Hill Gang se présentent comme les meilleurs dans ce domaine aujourd’hui. Un grand disque.
Tracklisting :
1. Dont Ever Leave Your Daddy At Home (Frank Frost)*
2. Help Me (Traditional/Lula Collins) *
3. Please Give Somethin’ (Bill Allen)
4. I Wanna Holler (Gary US Bonds)
5. Let’s Get Funky/Black To Comm (Hound Dog Taylor/MC5) *
6. Serves Me Right To Suffer (Hooker) *
7. Come On Home (Louis “Blues Boy” Jones)
8. The Right To Love You (James T Shaw Aka The Mighty Hannibal)
9. Fuck The People/Revolution (Kills/Spacemen 3) *
10. Promise Me (Jeffrey Lee Pierce)
Cut In The Hill Gang sur MySpace : www.myspace.com/cutinthehillgang
Vinyle :