(Transgressive 2008)
Oubliés du grand public malgré un premier album art-punk singulièrement bon, les Young Knives d’Ashby-de-la-Zouch (patelin des midlands anglais au nom improbable) ne devraient pas plus renverser les charts avec ce Superabundance loin des standards du moment. Petits, grassouillets, pas beaux gosses pour un sou, les frères Dartnall (Henry, chanteur/guitariste et son frère bassiste Thomas, surnommé The House Of Lords) cultivent avec un soin méticuleux leur look d’agent comptable et se posent comme une alternative rafraîchissante à la meute de clones en jeans serrés qui sévit dans le rock anglais.
Loin de n’être qu’un “groupe pour moches”, les Young Knives proposent une des musiques les plus intrigantes du Royaume. Un art-punk cultivé et teigneux, dénué de toute influence blues mais au funk sous-jacent, produit par Andy Gill de Gang Of Four. Sur leurs morceaux les plus agressifs, les Young Knives battent les Rakes sur leur propre terrain synthétique. “Terra Firma”, portée par une basse monolithique, possède des breaks de guitare renversants, “Counters”, après une intro psychédélique (“we’re not numbers, we’re not numbers anymore”) développe une rythmique chaloupée et un refrain superbe, et “Dyed In The Wool” n’a rien à envier au Blur de The Great Escape.
Le summum de la précision chirurgicale avec laquelle frappent les Young Knives est atteint avec l’immense “Up All Night” sur laquelle Henry Dartnell chante un des refrains les plus accrocheurs de l’année. Les paroles transcrivent avec acuité l’anxiété de son auteur (“I took a look in the mirror, I wish I was thinner, that everything would be fine (…) what’s the point ?”) et son dédain generalisé envers les poseurs de tous genres (“rock bottom, rock bottom, you hit rock bottom… cause everybody looks famous, everybody is special, in their mind’s eye”). La musique, quant à elle, révèle en 3 minutes l’éventail de possibilités des Young Knives : basse virevoltante, jeu de guitare en staccatos nerveux, ruptures propres à provoquer des rhumes de cerveau.
On reprochera surtout à ce Superabundance de fléchir en deuxième partie d’album après un démarrage tonitruant. On avait reproché au premier album son côté montagne russes (un morceau rapide, puis un lent, etc.), le groupe semble avoir décidé cette fois-ci de commencer de façon fulgurante et de terminer de façon calme. Mauvaise idée, car au fur et à mesure des morceaux on recherche la même poussée d’adrénaline qu’au démarrage, pour ne jamais la retrouver. Superabundance semble alors bien long, malgré des chansons qui, prises individuellement, tiennent toutes la route (en particulier la sereine “Turn Tail”, la berceuse “Mummy Light The Fire” et l’ambiance noisy 90s de “I Can Hardly See Them”).
Après cette face B apaisée, l’album ne se réveille que sur le dernier morceau “Current Of The River”, un des tous meilleurs, qui permet de constater l’étendue du gâchis. Le talent des Young Knives, leur véritable, ne s’exprime que trop rarement dans cet album long de près de 48 minutes. La face A, néanmoins est indispensable et mérite à elle seule l’achat (ou le téléchargement).
www.myspace.com/theyoungknives
2. Terra Firma *
3. Up All Night *
4. Counters *
5. Light Switch
6. Turn Tail *
7. I Can Hardly See Them
8. Dyed In The Wool
9. Rue The Days
10. Flies
11. Mummy Light The Fire
12. Current Of The River *
Vidéos :
“Terra Firma”