(Rough Trade 2009)
Premier album solo de Peter Doherty, ce disque produit par Stephen Street (déjà producteur de Blur et de Babyshambles) contient une douzaine de chansons, dont une bonne moitié était déjà connue depuis quelques années, par l’intermédiaire des nombreux bootlegs des enregistrements des Libertines, des Babyshambles[1] ou de Doherty lui-même.
Après l’extraordinaire Up The Bracket, les productions officielles du chanteur / guitariste ont le plus souvent laissé un désagréable goût d’inachevé, et le cirque médiatique qui s’affolait autour du chanteur n’arrangeait rien. Pour la première fois depuis longtemps dans la carrière de Doherty, le disque fait unité… Le son voulu par Stephen Street pour cet album est très travaillé, et apparaît parfois comme faussement intimiste : la basse est énorme sur « Last Of The English Roses » (le premier single tiré du disque), ainsi que sur des morceaux comme “Broken Love Story » et « Salomé ».
e disque est heureusement assez varié, et la qualité des morceaux réunis ici réellement impressionnante. Bien sûr, on regrettera le son un peu trop gonflé sur « Last Of The English Roses », dont la rythmique lourde appesantit le morceau ; cependant, la chanson est bien construite, ce qui rattrape sa production à l’aspect ‘conçu pour une diffusion radio massive’…
La délicate balade « 1939 Returning », quant à elle, habille la voix d’un écho qui ne semblait pas franchement indispensable. Pour le reste, les arrangements sont riches mais savent conserver un rôle d’accompagnement qui met en valeur l’interprétation de Doherty, dont la voix hésitante fait mouche, comme à ses meilleurs moments. Graham Coxon, présent sur tous les morceaux du disque – à l’exception de « Broken Love Story », apporte à l’album son jeu de guitare élégant. Doherty s’improvise de façon inattendue en crooner jazz, sur « Sweet By And By » dans une ambiance nonchalante de cabaret des années cinquante, emmenée par un piano primesautier.
La première partie du disque était réussie, la seconde est simplement extraordinaire : les morceaux « Sheepskin Tearaway », chanté avec Dot Allison, et surtout « New Love Grows On Trees », aux paroles géniales (« If you’re still alive / When you’re twenty five / Shall I kill you? I know you told me to / But I really don’t want to »), et dont la version studio était attendue depuis trop longtemps. De la même façon, « Lady Don’t Fall Backwards », est une franche réussite : son orchestration se voit doter d’un orgue génial, et la chanson clôt le disque de main de maître.
Il est étrange de se retrouver face à un album dont on connaît déjà une bonne moitié des chansons, dans de multiples versions… En revanche, ce qui est évident, c’est la place unique de Doherty dans le rock anglais depuis le début des années 2000 : si son comportement fait vendre des torchons, et s’il est désolant de constater cet effet de mode morbide, il ne faut pas pour autant considérer l’artiste comme un simple produit marketing.
L’univers dans lequel il évolue, influencé de littérature, de souvenirs personnels, de rêves impossibles, de séries télé britanniques, de poésie classique et d’argot londonien forme un ensemble fascinant et sans équivalent à notre époque. Grace/Wastelands devrait parvenir à convaincre ceux qui ne voient en Doherty qu’un junkie perdu : ce disque est certainement le meilleur LP sur lequel l’artiste apparaisse depuis Up the Bracket.
Liste des chansons :
- Arcadie *
- Last of the English roses
- 1939 Returning
- A little death around the eyes * (Doherty/Barât)
- Salomé *
- I am the rain* (Doherty / Robinson[2])
- Sweet by and by *
- Palace of Bone
- Sheepskin Tearaway * (Doherty/ Allison[3])
- Broken Love story * (Doherty / Wolfe[4])
- New Love grows on trees *
- Lady don’t fall backwards *
L’album est en écoute intégrale sur MySpace : www.myspace.com/gracewastelands
Vidéo :
“Last Of The English Roses”
“I Am The Rain”
“New Love Grows On Trees”
Vinyle :
[1] Les disques pirates HQ Sessions Second Wave et Acousticalullaby (respectivement enregistré en février et avril 2004) présentaient ainsi déjà plusieurs des pistes de Grace/Wastelands. Quant à « New Love grows on trees », elle apparaissait sur les Babyshambles Sessions des Libertines (2003), et semble avoir été écrite il y a une dizaine d’années.
[2] John Robinson est le chanteur du groupe anglais The Bandits (dont nous avions chroniqué l’unique album ici).
[3] Dot Allison est une chanteuse écossaise (notamment celle du groupe One Dove).
[4] Peter Wolfe (alias Wolfman) est un poète et chanteur anglais – Doherty et lui avaient déjà collaboré pour le morceau « For Lovers », sorti en avril 2004.