(Dim Mak 2003)
Ce premier album de David Viner semble surgir de nulle part… Anglais jusqu’aux bout des ongles, ce jeune homme enregistre un disque de Blues qui doit plus au Delta du Mississippi qu’au climat de la Perfide Albion. Accompagné – excusez du peu – par les Soledad Brothers, mais aussi par des membres des Von Bondies et des Datsuns, il livre en douze chansons un disque proche de la perfection. Reprises et compositions originales se mélangent pour produire un album élégant, qui a fait de son auteur un artiste incontournable.
Le disque commence par « Nobody’s Fault But Mine », et dès les premières mesures, l’auditeur comprend qu’il est en présence d’un objet musical qui fera date. Voix basse et pleine de retenue qui déclame les paroles sur un arpège de guitare acoustique, orchestration chaleureuse : les éléments sont réunis pour une chanson magnifique, à l’ambiance folk-blues douce-amère. Pas de morceau racoleur en début d’album, mais une chanson touchante qui invite à pénétrer dans un univers particulier, loin du bruit et de la foule. « Birdsnest » est un morceau blues-rock classique, efficace, même s’il n’est pas le plus marquant de l’album, ni le plus personnel. « Sally Jay », dans le même style, est plus percutant (en partie grâce à la partie d’orgue, jouée par Oliver Henry, et au solo de guitare de Johnny Walker, tous deux membres des Soledad Brothers). « Beer Belly », non contente d’avoir le meilleur titre de l’année, est une chanson réussie, où Viner livre un peu plus sa voix sur des textes réjouissants. Les névropathes de la guitare devront être satisfaits par les talents démontrés par Viner sur les instrumentaux « Ode to John Fahey » et « Cee-Saw » (ce dernier morceau ayant par ailleurs une intro parlée parfaitement improbable). Du côté « enthousiasme et joyeux n’importe quoi », on est aussi servi avec « Monkey Rag », un nouveau morceau instrumental, où Viner est rejoint par ses nombreux complices.
Avec la reprise de « Corinna, Corinna », on pense évidemment aux premiers disques de Bob Dylan, qui rendait lui aussi hommage aux légendes du blues et de la country. « Hobo Blues » est dans la même veine, le chanteur affectant la pose habituelle (« I ain’t got no woman, I ain’t got nothing to lose... »). « Another man » est un morceau exceptionnel à l’harmonica plaintif, et sur lequel Viner chante ses déboires amoureux avec la retenue nécessaire pour éviter les clichés. Ici, comme dans la plupart des blues, la tristesse et la violence ne sont jamais très loin l’une de l’autre. « Don’t do that » est prodigieuse de simplicité et d’efficacité ; une nouvelle fois, l’émotion transmise par la voix et la musique de Viner est incroyable, sous une apparente économie de moyens. L’album se termine sur une jolie ballade aux influences country évidentes, « Trouble in Mind », qui conclue un grand disque.
Des anciens auxquels il est souvent rattaché – Mississippi John Hurt et Skip James notamment – David Viner a conservé la démarche artistique, sans s’occuper du contexte ; il est délibérément hors du temps, mais assume : il n’est pas né en 1910 dans une plantation de coton, quelque part dans le Delta du Mississippi ; il est anglais, blanc, originaire de Londres, et enregistre au début du XXIème siècle des morceaux intemporels…
Liste des chansons :
- Nobody’s Fault
- Birdsnest
- Corinna, Corinna
- Ode to John Fahey
- Sally Jay
- Another Man
- MonkeyRag
- Don’t Do That
- Hobo Blues
- Beer Belly
- Cee-Saw
- Trouble in Mind
Vidéos :
“Nobody’s Fault But Mine”