(Red Ink 2006)
Il est toujours bon d’entendre un album commencer sur une diatribe assénée au sensationnalisme du NME. Sur une rythmique punk explosive, le chanteur Joel Stoker fustige la hype entretenue par l’hebdo londonien autour de nouveaux groupes qui disparaissent avant d’avoir pu prouver quoi que ce soit (“If you’re a new band breaking be aware cause she’ll never leave your side / Cause if the NME say your so cool and they really like your style/…/She’ll be top draw on the backstage floor till the new band arrives”). Le morceau, “She’s Got Standards”, d’autant plus efficace qu’il est brillant au niveau des textes, du son et de la mélodie, suffit à nous faire comprendre qu’on n’a pas affaire à un groupe ordinaire.
Les Rifles sont mods jusqu’au bout des Lambrettas. Leur punk se place dans la lignée de The Jam et The Chords (dont le premier album So Far Away est un de ces chefs d’oeuvre oubliés du punk) et évoque parfois le son plus pop des Undertones. Le leader du groupe Joel Stoker est un conteur d’histoires dans la veine de Ray Davies, au sens de l’observation aigu. Ses histoires simples d’anciens combattants solitaires (“Local Boy”), de filles décérébrées qu’on revient voir (“One Night Stand”) et d’imbéciles belliqueux (“Repeated Offender”) font mouche car elles possèdent une tendresse dénuée de sarcasmes faciles ou de clichés.
A la différence du chanteur des Kinks, Stoker se met souvent en situation dans ses chansons pour évoquer ses histoires d’amour compliquées, comme dans la chanson de rupture “Peace And Quiet”, ou encore “Spend Lifetime” et “When I’m Alone” où il parle de sa timidité débilitante (“Cause I smile when you’re there / But I cry when I’m all alone / But it’s far too hard to say to you ‘don’t go! »). Des sentiments universels, relayés par un auteur à l’écriture précise et efficace comme un tir de sniper.
Et puis, la grande force ces Rifles réside surtout dans cette capacité incroyable à écrire des mélodies. Après l’ouverture tonitruante de “She’s Got Standards”, le groupe déroule un tapis de chansons toutes plus accrocheuses les unes que les autres. The Rifles marquent le retour à une grande tradition, celle de la recherche de la mélodie parfaite, celle qui tournoie et reste imprimée profondément dans la tête, à l’image de la fantastique “One Night Stand”, exemple de perfection mélodique. Un grand morceau.
Plus loin, la power pop de “Local Boy”, “Hometown Blues”, “Peace And Quiet” impressionne et dévoilent un groupe incapable d’écrire une mauvaise chanson. On retrouve ensuite dans la chanson d’amour “She’s The Only One” une guitare distordue qui rappelle le folk déglingué de The Coral du premier album (tendance “Shadows Fall”). La production de Ian Broudie n’y est certainement pas étrangère, son travail sur le son des Rifles est excellent.
Dans la deuxième partie de l’album, la qualité ne baisse pas avec la ballade pop “Robin Hood” et surtout le spectaculaire single “Repeated Offender” qui, avec ses deux accords et son refrain proche du pont de “Englishman In New York” (de Sting), achève de rendre No Love Lost irrésistible.
Cet album comporte peu de trous. Les morceaux les moins bons comme “Spend Lifetime”, qui ressemble à un morceau d’Oasis chanté par Noel et documente les effets néfastes de la timidité sur une première rencontre, ou ce “Narrow Minded Social Club” aux textes alarmistes qui enfoncent une porte ouverte (hou! la violence dans les rues!) ont néanmoins pour eux une mélodie correcte. Incapables, on vous dit…
On conseillera donc à quiconque de se procurer cet album au plus vite (si vous arrivez à le trouver bien sûr dans notre triste France) et de le mettre dans son discman au bord de la plage ou de la piscine, histoire d’être prêt si jamais ils traversent la Manche. Le NME les boude et a décidé de n’assurer que le minimum syndical pour les Rifles (peu d’interviews et de reviews), ne passez pas à côté du meilleur album de l’été. No Love Lost annonce le retour des mods, heureuse nouvelle.
Tracklisting :
“She’s Got Standards”
La pochette du vinyle est noire, beaucoup plus belle que celle grisâtre du CD.