A l’occasion de l’excellent festival Blues Rules qui s’est tenu à Paris au début du mois de juin, les sites Raw Power Magazine et PlanetGong se sont associés afin donner la parole à un des groupes les plus fascinants de la scène blues-punk actuelle, les teigneux Left Lane Cruiser. Nous avons envoyés notre meilleur homme sur place, John The Revelator, expert ès blues velu qui, délaissant un instant son vagabondage au coeur des nappes phréatiques sub-ligériennes, est allé à la rencontre de cet impressionnant duo.
La première partie de cet entretien a été publiée chez nos amis de Raw Power Magazine à cette adresse : http://rawpowermagazine.blogspot.fr/2013/07/interview-de-left-lane-cruiser-par-john.html. (autant dire que ce serait idiot de ne pas commencer par là)
Interview de Left Lane Cruiser, suite
par John the Revelator
John The Revelator : Vous avez joué avec T-Model Ford, Mark Porkchop Holder, James Leg… Y a-t-il un groupe ou un musicien avec qui vous aimeriez jouer?
Fredrick “Joe” Evans IV (chanteur / guitariste) : Clutch!
Brenn Beck (batteur) : Clutch serait aussi mon choix n°1.
Joe : Faire leur première partie serait génial.
(note de la rédaction pour le lecteur profane, Clutch ça donne ça :
JtR : D’accord, je vais essayer d’envoyer un SMS à leur manager alors…
Brenn [riant] : Oh ouais, fais-le mec.
JtR : Vous seriez anxieux à l’idée de faire la 1ère partie de Clutch?
Brenn : Non, nous serions très excités. Au tout du début du groupe, on était anxieux…
Joe : Mais maintenant nous sommes de plus en plus sensibles à l’interaction avec le public. Je suis plus nerveux en jouant devant 3 personnes que devant 3000.
JtR: Vous avez joué devant 3 personnes?
Joe: Dans notre ville natale!
Brenn: Ça arrive aux meilleurs d’entre nous.
Joe: Nos concerts dans notre ville natale sont les pires expériences qu’on ait vécues musicalement. Les gens viennent pour nous voir et ils nous demandent…
Brenn [prenant une voix grave de spectateur]: “Jouez des standards!”
Joe: Ils demandant des trucs comme Nickelback… Ca craint […] Mais heureusement, il y a de bons groupes au Brass Rail. N’allez pas croire qu’on est en train de se moquer de notre ville natale, on y joue très souvent.
JtR: Il y d’autres vidéos sur Youtube sur lesquelles des gens montrent comment apprendre vos chansons. Ça vous fait quel effet ?
Brenn : C’est énorme ! Nous n’aurions jamais pensé voir le jour où quelqu’un essayerait de reprendre une de nos chansons [Joe opine de la tête].
JtR: Avez-vous rencontré quelqu’un qui prétendait avoir monté un groupe grâce à votre musique ?
Brenn : Oui, et nous avons reçu le plus beau compliment. Notre cerveau n’arrive toujours pas à s’y faire, des gens de plusieurs pays différents… C’est un sentiment très particulier.
Joe : A propos de vidéos, nous avons des potes qui sont venus nous rendre visite un jour et m’ont demandé « Comment tu fais ce riff-là ? », etc. Je leur ai expliqué et fait une démonstration. Et , lorsque je suis rentré à la maison, j’ai vu une nouvelle vidéo avec un de mes potes disant « Salut, alors voilà comment on joue… » (riant et faisant un doigt d’honneur)
JtR: Concernant ta façon de jouer, tu joues uniquement assis car tu aimes pouvoir frapper la mesure, ou y a-t-il autre chose ?
Joe : Je peux jouer debout, mais ça fait un peu bizarre. Je ne peux marquer la rythmique du pied aussi bien (qu’assis). J’ai honnêtement besoin de m’exercer à jouer debout pendant plsueiurs heures parce qu’il y des salles de concert où il est difficile de nous voir depuis le fonds. J’ai essayé lors de quelques shows mais…
Brenn : Ce n’est pas qu’une question de show. Même si on joue assis, tu peux quand même sentir la musique.
JtR : Votre style est assez proche du blues, et de nombreux bluesmen jouent également assis.
Joe : Oui absolument, c’est aussi une façon de leur rendre hommage. On a commencé à jouer avec un groupe de 3 personnes : notre bassiste jouait debout mais j’insistais pour jouer assis pour les mêmes raisons que maintenant. Depuis ce temps, je le sens mieux en jouant assis.
JtR : Avez-vous des chansons qui ne sont jamais sorties en CD ou en LP ?
Joe : Deux ont été retirés du nouvel album. A chaque fois qu’on enregistre, il y en a quelques unes…
Brenn: Je pense qu’une douzaine de chansons n’a jamais vu la lumière du jour.
Joe : C’est comme pour le dernier album. Je n’ai pas bossé suffisamment sur certains titres au moment où je les écrivais. Du coup, c’était trop tard au moment où on est arrivé en studio, tu te dis « Ah, c’est pas la bonne note », donc tu ne peux pas chanter sur celle-là et tu ne l’enregistres pas. C’est arrivé deux fois sur notre nouvel album. La musique était géniale mais je ne pouvais pas faire chanter dessus correctement. Donc, je la re-jouerai sur l’album suivant en essayant de trouver un meilleur accord.
JtR : Donc, c’est une sorte de réserve pour l’album suivant ? Ou, vous aimeriez trouver un petit label pour sortir ces titres ?
Joe : Nous avons parlé à des gens ici, ils étaient intéressés par un enregistrement.
Brenn : On adorerait faire une sortie européenne, un truc comme un 7”.
Joe : Nous n’avons pas eu beaucoup de temps ici, nous avons joué tous les jours.
JtR : Pouvez-vous m’en dire encore un peu plus sur votre prochain album ?
Brenn : Mec, il (l’album) est énorme!
Joe : Il y a beaucoup d’overdubs.
Brenn: Habituellement, on va au studio et on joue live. Pour celui-ci, on a fait les pistes basiques en live et on a ajouté des couches. Nous avons passé plus de temps en studio, pour faire exactement ce que nous voulions. Temps que nous n’avions jamais avant. Et nous l’avons enregistré à Fort Wayne, avec l’aide de Jason Davis. C’est à environ 5 minutes de chez moi. C’est tellement plus pratique de faire ça ainsi , plutôt que de quitter la famille… Rester à l’hôtel, mal dormir, aller au studio, revenir à l’hôtel… Celui-ci a un son énorme. Il y a de la basse, plusieurs guitares. Je joue sur des canettes et des capsules de bouteille, sur tout un tas de trucs. C’est labum que nous voulions faire depuis longtemps.
JtR : Est-ce que l’ambiance de ce prochain album ressemblera à celle du tout 1er, enregistré chez vous ?
Joe : Excepté le fait qu’il y ait beaucoup d’overdubs sur celui-ci, l’ambiance est similaire.
JtR : Lors de la sortie de votre dernier album, vous avez dit ne pas aimer enregistrer séparément l’un de l’autre. Vous appréciez de jouer ensemble afin de mieux vous entendre conjointement…
Joe : Ouais, on fait toujours ça ensemble. Les principales pistes de guitare et de batterie ont toujours été enregistrées ensemble dans la même pièce.
JtR : Combien de titres?
Joe : Dix.
Brenn : Ils sont un peu plus longs que d’habitude. Les morceaux de nos précédents albums faisaient environ trois minutes, ceux-là font à peu 4-5 minutes. C’est un album complet, un peu différent de ce que nous avons fait. J’espère que les gens vont l’apprécier.
Joe : Il y a quand même quelques chansons crasseuses dont on a le secret, mais… Je ne veux pas dire que cet album est plus « joli », je ne sais pas comment le décrire…
Brenn : Il est meilleur!
JtR : Avec vos précédents albums, on a pu sentir une évolution du son. Certaines de vos dernières chansons sonnent vraiment heavy, « Black Lung » par exemple…
Joe : Tu ne peux pas refaire encore et encore le même album. Tu dois t’efforcer de l’emmener dans une nouvelle direction.
Brenn : Je crois que celui-ci fait un pas en arrière dans le sens où il ressemble un peu à “Bring yo’ ass to the table” par certains côtés. Toute ma créativité a été (dédiée à) la batterie, les cannettes et autres… C’était une nouvelle direction aussi parce qu’il y a 3 guitares en même temps sur un titre, des overdubs accoustiques…
Joe : J’y joue de l’orgue aussi.
JtR : Et comment tu vas jouer de 3 guitares sur scène?
[rire général]
Brenn : Moi et Joe jouons de tous les instruments présents sur ce disque, à l’exception de mon oncle Kevin Jackson qui est venu jouer un peu d’harmonica.
JtR: Je me souviens que Brenn joue aussi de l’harmonica, non ?
Brenn [gêné]: En fait, heuuuu… Ouais, non… Mon oncle est venu et il a (imitation d’un son d’harmonica puissant). Il a vraiment déchiré !
Joe: Son oncle était dans Black Cat Bone (cf première partie de l’interview).
JtR: C’est une sorte de groupe familial en fait?
Joe : Oui.
Brenn : Mon cousin y tient la basse.
JtR: Il y a une tradition sur notre site : vous avez l’opportunité de mettre en lumière un artiste/groupe injustement méconnu. Y a-t-il un artiste/groupe que vous aimeriez faire introduire auprès de nos lecteurs ?
Joe : De n’importe où ? Et bien, nous avons joué avec les Booonaras la nuit dernière. Elles sont plutôt populaires par ici. C’est un des groupes avec qui nous avons le plus aimé jouer.
Brenn: Il y a un groupe de Columbia (MO), qui s’appelle the Hooten Hallers. Jette une oreille à ce groupe !
[L’ingénieur du son demande si Joe et Brenn sont prêts pour le sound check]
Brenn : Un autre groupe dans lequel je joue pour m’amuser de temps en temps, il s’appelle White Trash Blues Revival. Joe y joue d’une guitare fabriquée avec une skate board, une bouteille de bière et deux cordes… Il y a deux batteurs avec des vieilles canettes, des boîtes sorties des ordures…
Brenn: Il y a Tito Discovery qui viennent de notre ville natale. Lorsque nous étions jeunes, nous disions « Woaaah, c’est ça ce que nous voulons faire ! »
Joe : Tito Discovery, ils viennent de Fort Wayne, mais leur musique est vraiment difficile à trouver.
JtR : Alors on essayera de faire une chronique de leurs albums ! Et bien, merci à tous les deux d’avoir pris de répondre à nos questions. C’était vraiment sympa de votre part.
Brenn & Joe: A big thank to you, merci.
Sur ces paroles, les deux gaillards s’en allèrent préparer leur concert du soir qui fut un triomphe. Rien de tel qu’un extrait vidéo pour s’en rendre compte (merci m’sieur Rapido1):
PlanetGong remercie Nikkos, Vincent et Lucie, sans qui cette interview n’aurait été possible, et bien sûr nos compères Franck et John The Revelator de l’excellent webzine Raw Power Mag.