(1966 Vogue)
Ce disque, le premier album d’Antoine, est un coup de maître. Aujourd’hui oublié – ou plutôt occulté par l’immense succès de la chanson « Les Elucubrations », et par la polémique qui a ensuite opposé Antoine à Johnny Hallyday (largement orchestrée par une presse qui voyait là une bonne occasion de vendre du papier)… (Très) Longtemps après, il nous reste un excellent disque, aux chansons variées et splendides, qui a fait trembler la variété française l’espace de quelques mois. La transformation des Problèmes (le groupe qui accompagne Antoine sur ce disque) en Charlots, et les productions suivantes d’Antoine (rapidement assez décevantes), ont depuis prouvé que ce qui était apparu à certains comme le début d’une révolution musicale n’était en réalité qu’un feu de paille. Il n’en demeure pas moins que sur son premier album, paru en 1966 par Vogue, Antoine chante de très bons morceaux : dès le premier, « Qu’est ce qui ne tourne pas rond chez moi ? », il chante son malaise et sa colère dans une forme inédite en France : derrière lui, son groupe est impressionnant de puissance.
L’influence de Dylan est énorme : sur Antoine lui-même, mais aussi sur le son de son groupe, qui prend pour modèle celui que Dylan a choisi l’année précédente (depuis l’album Bringing It All Back Home) : guitare électrique agressive et puissante (et parfois même hallucinante, notamment sur « La Guerre », sur « Métamorphoses exceptionnelles » ou sur « Autoroute européenne n°4 »), le son de basse est chaud et ample, la batterie solide, l’orgue Hammond omniprésent… Pour parfaire le tableau, Antoine ponctue la plupart des morceaux par un ou plusieurs passages joués à l’harmonica (folk) ; et il joue les ballades en s’accompagnant à la guitare acoustique et à l’harmonica. Bien sûr, Antoine n’est pas Dylan, mais quelques-unes de ses chansons ont cependant suffi à perturber le bon ordre bourgeois qui règne [encore] alors en France : « Je ne crois pas à ce que je vois / Je ne crois à rien / Je n’écoute pas ce que l’on me dit… » (« Qu’est ce qui ne tourne pas rond chez moi ? »).
Le disque contient de jolies ballades acoustiques ; des chansons d’amour « Petite fille, ne crois pas », « J’ai oublié la nuit », un morceau antimilitariste simple (simpliste ?), « Pourquoi ces canons » sur lequel la mélodie et les textes partagent la même structure, à base de répétitions. La ballade « Bruits de Roses » est un morceau magnifique, joué à la guitare acoustique, avec un solo d’harmonica entre deux tirades symbolistes. En effet, en plus de ces ballades et des « Elucubrations », cet album comporte aussi des morceaux proprement extraordinaires, comme « La loi de 1920 », où des textes excellents (parmi les meilleurs qu’ait jamais écrits Antoine) racontent avec pudeur un fait divers tragique : « Il suffit de tourner un robinet / Sa main tremble, les enfants dorment à côté / Ils ne se sont jamais réveillés ». Une chanson de critique sociale (du protest-song à la française) qui en précède d’autres. Ainsi, « Mais ne t’en fais pas pour ceux-là, ils rêvent », « La Guerre » ou encore sur « Une autre autoroute », où Antoine rend hommage à Boris Vian et à Bob Dylan : « Et puis soudain tu trembles / car tu comprends / que tous leurs mots troublants / ne sont que réalité vraiment… »
Le disque s’achève sur « Autoroute européenne n° 4 », une autre chanson dont le style, clairement naïf, a valu à Antoine des critiques sévères… Sur ce disque, Antoine a en effet refusé les structures d’écriture et de construction de chanson habituelles dans la chanson française, et a pris pour modèle le rock anglo-saxon : ce choix lui a été aussi reproché que ses positions politiques et son attitude, alors perçues comme une provocation.
Liste des chansons :
1.Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi?
2.Petite fille ne crois pas
3.La loi de 1920
4.Bruit de roses
5.Ne t’en fais pas pour ceux-la, ils rêvent
6.La guerre
7.Les élucubrations d’Antoine
8.Pourquoi ces canons
9.Une autre autoroute
10.Métamorphoses exceptionnelles
11.J’ai oublié la nuit
12.Autoroute européenne n°4
P.S. : A signaler encore, l’étrange parenté de thèmes entre la chanson d’Antoine « Métamorphoses exceptionnelles » et le morceau « Fais pas ci, fais pas ça » chanté par Dutronc.
Vidéos :
“Les élucubrations d’Antoine”
Vinyle :