(Mississippi Records ; 2011)
La sortie de ce disque en format 25 cm (ou « dix pouces », selon les préférences de chacun) est l’occasion de rendre hommage à un artiste encore méconnu. Les sorties récentes par Mississippi Records de deux extraordinaires LP (The True Story of Abner Jay et Folk Song Stylist, dont nous reparlerons prochainement), ont permis à la musique d’Abner Jay de connaître une diffusion inédite.
La vie et l’œuvre d’Abner Jay apparaissent aujourd’hui comme les éléments d’un étrange roman où se mêlent d’innombrables aspects – au cours de sa vie, Abner Jay fut manager, propriétaire de bars, artiste au répertoire interminable, ainsi qu’un homme-orchestre itinérant se considérant comme un philosophe et qui expliquait que le secret de sa santé résidait dans le fait de boire de l’eau de la rivière Swaunee couché sur le ventre (d’où les photos de plusieurs de ses LP). Sans se plonger davantage dans sa mythologie personnelle (ce qui est toujours hasardeux, et parfois dangereux) l’auditeur exigeant peut se lancer à la recherche des quelques disques de Jay qui subsistent : les chansons témoignent de la seule réalité objective de cet artiste atypique, dont l’œuvre protéiforme laisse à ceux qui le souhaitent le loisir de combler les lacunes et de peupler ainsi à leur guise l’univers de l’auteur.
La voix puissante de Jay risque d’en frapper plus d’un ; bien qu’il ne possédât plus en 1993 l’incroyable puissance dont témoignent ses albums des années 1970 (notamment The True Story of Dixie et The Backbone of America is a mule and cotton, ceux que nous avons pu écouter), Abner Jay était encore capable à plus de 70 ans de moduler sa voix de façon surprenante, en alternant les accents falsetto, les passages parlés et le chant baryton comme sur « My middle name is the blues » ou « Cocaine Blues ». Ceux qui découvrent le style cru et touchant d’Abner Jay avec ces quelques pistes seront probablement marqués par « My Middle Name is the blues », qui reprend les caractéristiques du style très personnelles d’Abner Jay : le jeu de percussion – très simple – est chaleureux et primal, le chant est varié et l’harmonica ponctue les couplets avec autorité.
Parmi les six chansons présentées ici, cinq sont les dernières qui aient été enregistrées par Abner Jay, en août 1993, quelques semaines seulement avant son décès (seule « My middle name is the blues » leur est antérieure). Ces pistes étaient destinées à n’être que des démos, et ont été enregistrées sur un magnétophone à cassette par Jack Teague, qui signe les notes de l’excellent livret. Le jeu de banjo et d’harmonica – tout sauf académique – et la voix basse de Jay forment une alchimie merveilleuse sur « Sitting on top of the world » et « Love Wheel », une chanson qui demande une attention plus soutenue. Last Ministrel Man propose également une relecture intimiste et pleine de retenue d’un de ses morceaux les plus populaires « Cocaïne Blues » et une incroyable ballade pleine de violence contenue « Too poor to live, too poor to die ».
Les responsables de Mississippi Records ont réalisé avec ces pistes poignantes et chargées d’émotions un disque magnifique (comprenant un livret grand format et deux photos originales à l’intérieur de la pochette) qui rend justice au talent d’Aber Jay, un artiste dont l’excellence remet en perspective une bonne partie des disques entendus.
Liste des chansons :
Face A :
- I cried
- Sitting on top of the world
- My middle name is the blues
Face B :
- Love Wheel
- Cocaine Blues
- Too poor to live, too poor to die
Vidéo :
“My Middle Name Is The Blues”
“Cocaine Blues”
Vinyle :