(1966 ; Polydor – Allemagne)
Au firmament du garage-rock, on entend citer – à juste titre – les même noms de groupes : Sonics, Wailers, Electric Prunes, Shadows of Night, Music Machine, etc. Le plus improbable et le plus magnifique de tous est malheureusement souvent oublié ; rendons aujourd’hui hommage aux divins Monks, à leur costume de scène, à leur coupe de cheveux, et surtout à leur extraordinaire album, enregistré en novembre 1965 à Cologne.
Formé en 1964 par des G.I.’s stationnés en Allemagne, le groupe se nomme à l’origine The 5 Torquays, et ne diffère en rien des nombreux autres groupes formés à l’époque : il jouent du rock’n’roll « classique », reprennent du Chuck Berry et des morceaux de British Beat (assez mal, selon l’aveu du chanteur et guitariste Gary Burger). Peu à peu, ils vont s’affranchir de la recherche mélodique pour se concentrer sur le rythme, et ainsi inventer un son identifiable dès les premières secondes de leurs morceaux. L’assise rythmique des Monks est en effet fabuleuse : sur la première chanson du disque, « Monk Time », il apparaît clair que même la guitare de Burger, le banjo de Dave Day et l’orgue de Larry Clark ne sont présents ici dans le seul but d’élaborer un maelstrom sonore sur lequel tout le potentiel du chant de Burger va pouvoir s’exprimer.
De fait, les premières secondes de « Monk Time » suffisent à placer les Monks dans la catégorie des groupes indispensables ; il est vrai que le chant déglingué et paranoïaque de Burger y est pour beaucoup : « Why do you kill all those kids over there in Vietnam? Mad Vietcong! My brother died in Vietnam! ». La section rythmique, composée de la batterie de Roger Johnston, et associée à la basse démente d’Eddie Shaw, mériterait à elle seule un monument.
La suite de l’album ne déçoit pas; les titres des morceaux sont géniaux, sans equivalent à l’époque (à part peut-être du côté des Fugs) : « Shut Up », « Boys Are Boys And Girls Are Joy », « I Hate You », « Drunken Maria »… Le groupe maîtrisait aussi à la perfection le style délicat de la ballade foutraque, comme le prouvent les pistes bonus1 « I Can’t Get Over You » et « Love Can Tame The Wild ». « Complication » (que l’on retrouve sur le premier volume de la série Nuggets) est du même acabit que « Monk Time » : rythme et chœurs oppressants, sur des paroles tour à tour réjouissantes et angoissantes – mais toujours approximatives « Complication / Complication / Complication / Constipation / People kill, people will for you/ People run, ain’t it fun for you/ People go, to their deaths for you » (« Complication »). Le riff de guitare est puissant et direct, et la chanson incarne à merveille ce qu’étaient les Monks à l’époque : une parenthèse étrange et fascinante, mais surtout une ouverture sur une réalité musicale des Etats-Unis, très éloignée des décors de cartes postales du rêve américain.
Liste des chansons :
- Monk Time
- Shut Up
- Boys Are Boys and Girls Are Choice
- Higgle-Dy-Piggle-Dy
- I Hate You
- Oh, How to Do Now
- Complication
- We Do Wie Du
- Drunken Maria
- Love Came Tumblin’ Down
- Blast Off!
- That’s My Girl
[1] Le disque a été réédité en version CD par Repertoire Records en 1994 (on y découvre quatre pistes supplémentaires, devenues aussitôt indispensables : “I Can’t Get Over You” ; “Cuckoo” ; “Love Can Tame the Wild” ; “He Went Down to the Sea”), puis par Infinite Zero Archive/American Recordings, qui ont ajouté trois nouvelles pistes : “Monk Chant” (live) ; “I Hate You” (démo) ; “Oh, How to Do Now” (démo).
Le site officiel du groupe propose plusieurs morceaux en streaming : www.the-monks.com/sounds.htm
Quelques vidéos des Monks pour la route :
“Monk Chant”
Vinyle :