(Deltasonic 2004)
Que faire lorsqu’on a sorti deux albums salués par la critique en moins de deux ans et qu’on vient d’avoir son premier numéro un en Angleterre ?
C’est à cette question épineuse qu’a dû répondre The Coral en 2004. Célébré comme le grand groupe en devenir par la presse britannique, le groupe de Liverpool ne s’est pas posé de questions lorsque le succès est arrivé. Là où certains craquent, procrastinent des années de peur de ne pas répondre aux attentes du public ou sollicitent des producteurs réputés (souvent américains) pour les aider à “grandir”, les cinq lads ont décidé de passer une semaine au Pays de Galles pour y enregistrer leur troisième album, un monstre psychédélique au concept crétin.
Intitulé Nightfreak & The Sons Of Becker, le disque est censé narrer les aventures d’un monstre bidon (cf la photo de couverture très cheap) et des fils cachés de Boris Becker (le champion de tennis allemand étant réputé pour ses aventures extra-conjugales). Officiellement, c’est un mini-album paru en édition limitée (75 000 exemplaires), un projet à part dans la discographie du groupe. Ce qu’on en pense, c’est que Nightfreak est le véritable troisième album de The Coral, mais que devant le concept farfelu et le son “difficile” de l’album, Sony (qui possédait alors Deltasonic) a utilisé ce subterfuge pour ne pas faire fuir le public devant le suicide commercial du groupe. Mal leur en a pris, le disque s’est retrouvé en rupture de stock la première semaine et n’a ainsi atteint que la 5ème place des charts britanniques. Une sortie conventionnelle aurait sans doute vu l’album grimper plus haut.
A vrai dire, l’album n’a rien d’un concept. La seule référence au titre de l’album réside dans le morceau “Why Does The Sun Come Up”où on entend un dialogue nonsensique entre un enfant et son père ayant l’accent allemand. Pour le reste cet album est un concentré de rock psychédélique d’inspiration sixties, un festival de mélodies comme The Coral sait en produire, saupoudré d’arrangements acidulés. James Skelly avait dévoilé à l’époque sa passion pour The West Coast Pop Art Experimental Band, un groupe californien obscur des années 60 qu’il décrivait comme une de ses principales influences. Avec Nightfreak, Skelly et ses compagnons tentent de reproduire le son et l’ambiance de cette époque, avec succès. The Coral ne sont jamais aussi bon que quand ils décorent leurs mélodies d’ornements psychédéliques.
On trouve ainsi dans cet album quelques uns des morceaux les plus fascinants du groupe. Aucun morceau ne se déparait jamais d’une certaine bizarrerie, même lorsque The Coral joue des ballades plutôt calmes. Parfois Bill Ryder-Jones lance des riffs de guitare distordus qui viennent les fendre d’éclairs lysergiques( “Sorrow Or The Song”, “Her Precious Eyes”), Nick Power transporte le morceau dans l’espace avec ses sons d’orgue étranges (“Venom Cable”, “Grey Harpoon”), d’autres fois le groupe s’échappe dans des passages instrumentaux oniriques (“Song Of The Corn”) ou horrifiques (“Keep Me Company”). Au fil de l’album, enregistré dans les conditions du live, on se rend compte que The Coral est un groupe carré, aussi à l’aise avec les morceaux de pop délicate qu’avec le rock psychédélique le plus distordu (“I Forgot My Name” ou “Migraine”, sur lequel les Rascals ont calqué tout leur premier album).
Ecouter Nightfreak & The Sons Of Becker en 2010, c’est redécouvrir The Coral audacieux, barré, psychédélique, comme on aimerait le voir plus souvent. S’ils continuent à écrire des mélodies magnifiques ces jours-ci, ils prennent moins de risques que dans cet album proche du suicide commercial, mais indispensable. Déjà un classique.
Tracklisting :
1. Precious Eyes*
2. Venom Cable
3. I Forgot My Name *
4. Song Of The Corn *
5. Sorry And The Song *
6. Auntie’s Operation
7. Why Does The Sun Come Up
8. Grey Harpoon
9. Keep Me Company *
10. Migraine
11. Lover’s Paradise
Vidéos :
“Precious Eyes”
Vinyle :
Sans doute la plus belle pochette d’album du groupe, encore plus appréciable en grand format.