(Burger 2010, Permanent Records 2011)
C’est bien connu, notre époque est celle de la surinformation, de l’immédiateté et de l’accès instantané à toutes sortes de merveilles grâce à Internet.
Envie d’écouter du freakbeat péruvien des années 60 ? Google it ! Il y aura toujours un lien vers une vidéo Youtube ou un blog mp3 pour le permettre. Il n’est plus de groupes inconnus ou oubliés, ces perdants de l’histoire du rock ont désormais leur revanche (le téléchargement leur redonne une seconde vie auprès des passionnés tandis que les majors se cassent la gueule), et les petits groupes actuels réussissent à se faire entendre à l’autre bout de la planète alors qu’ils remplissent difficilement les bars de leur voisinage. Bref, en 2011, si on n’a pas entendu parler d’un groupe, c’est qu’on n’a pas essayé de l’écouter – par flemme, saturation, manque de temps ou d’envie – car il existe des dizaines de chemins d’accès à la musique d’un groupe.
C’est à ce stade de notre réflexion qu’entrent en jeu les fabuleux Cosmonauts. Alors que les réseaux d’information sont plus rapides, accessibles et multiples que jamais, ce quatuor de l’Orange County est parvenu à sortir un album en 2010 sans qu’il soit possible d’en entendre un extrait en dehors de son support. Il faut dire que le groupe semblait avoir fait en sorte que peu de monde ne l’entende : il est sorti sur Burger Records, à 200 exemplaires, uniquement en cassette. Impossible de le télécharger, et pendant des mois seul un morceau était en ligne sur leur MySpace.
Pour avoir été des imbéciles qui ont à l’époque commandé ladite cassette pour pouvoir entendre plus que cet intriguant “Neon Kids”, on a fait partie pendant un temps du club sélect des gens in the know. Sensation à la fois grisante et merdique que de compter parmi les rares personnes à connaître un excellent album : on a envie de crier partout que Cosmonauts sont des génies, mais il est impossible de partager l’album (la cassette étant le seul format plus atroce que le mp3 en terme de son). Maintenant que Cosmonauts a enfin été édité en vinyle (chez Permanent Records), et que d’autres extraits circulent en ligne, c’est avec joie qu’on peut enfin parler de ce jeune groupe californien et de son excellent premier album .
Souvent comparés aux Oh Sees, pour leur rock psychédélique noyé dans la reverb, Cosmonauts font le lien entre rock garage et shoegaze en gonflant leur son de décibels saturés et de riffs de guitares cinglants. Bruitistes mais pas du genre à se planquer derrière un mur de bruit blanc, Cosmonauts possèdent une solide assise rock’n’roll qui leur confère une dynamique garage presque punk et leur ouvre des horizons mélodiques (ces lignes de guitare psychédéliques !). On pense au 13th Floor Elevators (“Electric Chemicals”), à Spacemen 3 (“Stephanie”), au Velvet Underground des débuts, aux fabuleux Epsilons… La batterie primitive martèle, le chanteur hurle avec une morgue évoquant Mark E. Smith, les étincelles pleuvent dans cet album qui frappe par son punch. Cette énergie et cette absence de compromission sonore sont des atouts que certains de leurs congénères psychédéliques lo-fi ne possèdent pas toujours (on pense là à des groupes tels que The People’s Temple, dont l’album paraît bien sage en regard de celui des Cosmonauts) et qui font de ce Cosmonauts un de nos albums psyché préférés de ces dernières années.
Tracklisting :
- Neon Kids*
- Dorothy
- Electric Chemicals *
- Yer So Rad
- Like a French Assassin
- T.V. California *
- ((((((((((o))))))))))
- Our Man Flint
- Stephanie
Vidéos :
“Yer So Rad”
Cassette (2010)
Vinyle (2011)