(Verve 1966)
Sorti par MGM, ce double album est le premier de la (longue) discographie de Frank Zappa. A la production, Tom Wilson, qui a lui-même fait signer les Mothers quelques semaines plus tôt, et que l’on retrouve souvent au bon endroit pendant les années soixante (il a notamment produit le Velvet Underground, les deux albums de Bob Dylan en 1965, le Volume 1 de Soft Machine, Chelsea Girl de Nico, etc.).
Contrairement à d’autres albums de Zappa, Freak Out! est relativement facile d’écoute.Il comprend 15 titres, qui explorent des genres musicaux divers, du doo-wop à l’avant-garde, en passant par des styles plus conformes à la période; du rhythm’n’blues au rock’n’roll (à forte tendance psychédélique). Quelle que soit la direction musicale choisie, chacune des chansons est parfaitement maîtrisée; le son est net, précis, efficace, et la structure des morceaux, souvent complexe, n’est jamais une surcharge. Freak Out! est un grand album, dont les solos de guitare ne sont jamais interminables ou inutiles (ce qui ne sera malheureusement pas le cas dans tous les disques de Zappa – la virtuosité musicale du fameux moustachu desservant parfois la qualité finale des chansons).
Mieux encore, ce disque contient des morceaux prodigieux: “Hungry freaks, daddy”, “I’m not satisfied”, “Who are the brain police?”, et (peut-être le meilleur de tous) le monstrueux “Trouble every day”, un commentaire sur les émeutes racistes de Watts, dont le son de guitare est d’une ampleur et d’une efficacité redoutable. Sur d’autres morceaux, des cadres musicaux divers – et parfois indescriptibles – laissent la part belle à l’humour féroce de Zappa :”Go cry on somebody else’s shoulder”, “You’re probably wondering why I’m here” et “You didn’t try to call me”.
On trouve aussi dans Freak Out! des chansons-ovnis, des morceaux venus d’on ne sait où, qui ont laissé entrevoir de nouveaux horizons aux groupes contemporains de Zappa et à leurs successeurs, au niveau du son et des paroles (“Help I’m a rock”, “Wowie Zowie”, “It can’t happen here”…). Ces morceaux ne ressemblent à rien de connu, mais une chose est sûre: Zappa sait ce qu’il veut faire. Jimmy Carl Black, le premier batteur des Mothers, l’expliquera plus tard: “En studio, pas de place pour l’improvisation, les membres du groupes jouaient les partitions de Zappa, et les respectaient scrupuleusement“.
C’est finalement au mois de mars 1966 que les Mothers, emmenés par Zappa, sortent de l’anonymat et livrent Freak Out! au monde encore bien-pensant (qui ne se doutait pas des bouleversements qui allaient se produire en quelques années). Les Mothers sont moches, poilus, s’habillent n’importe comment, mais leur chansons assurent méchamment. Ils disent ce qu’ils veulent, comme ils le veulent (cf les notes de pochettes lucides de Zappa: “Note the obvious lack of commercial potential“), sans poser aucune limite (les douze minutes de “The Return of the son of monster magnet” en témoignent).
La musique des Mothers est anti-conformiste, subversive et adulte – par opposition à la musique formatée pour teenagers décérébrés, et Freak Out! est l’un des meilleurs albums de cette année pourtant faste. Indispensable.
Tracklisting :
- Hungry Freaks, Daddy *
- I Ain’t Got No Heart *
- Who Are the Brain Police?
- Go Cry on Somebody Else’s Shoulder *
- Motherly Love
- How Could I Be Such a Fool? *
- Wowie Zowie
- You Didn’t Try to Call Me
- Any Way the Wind Blows *
- I’m Not Satisfied
- You’re Probably Wondering Why I’m Here
- Trouble Every Day *
- Help, I’m a Rock *
- It Can’t Happen Here
- Return of the Son of Monster Magnet
Vidéo :
“Hungry Freaks”
Vinyle :
Le premier double album de l’histoire du rock !