(Deltasonic 2002)
Un vent de rock’n’roll soufflait en 2002, mais l’Angleterre était en manque de héros. Le royaume tout entier attendait une riposte aux invasions de toutes parts : à l’ouest les Strokes avaient ouvert la brèche, les Hives à l’est pratiquaient la politique de la terre brulée et au sud les Vines massacraient la population à l’aide de riffs dévastateurs. Le salut vint de Liverpool, place forte de la perfide Albion depuis le début des années soixante.
C’est ainsi qu’avant même les Libertines (une contre-attaque fulgurante), The Coral ont remis l’Angleterre au centre de l’échiquier rock avec un premier album incroyable de créativité, fourmillant d’idées au point que quelque scribouillard d’un grand mensuel rock aux acouphènes prononcés le qualifia de “bordélique”. Trop d’idées, trop talent sans doute.
The Coral, c’est une armada scouse composée de six morveux de moins de vingt ans incapables d’écrire un mauvais morceau et qui ont remis au goût du jour blues déstructuré à la Beefheart, musique psychédélique West Coast – genre Love, Doors et Jefferson Airplane – et anglaise (on pense aux Beatles de 66-67, le Pink Floyd de Syd Barrett ou aux Kinks), techno allemande, chansons de marin et héritage local (The La’s). Que des choses essentielles mélangées dans un grand trip kaléidoscopique aux nombreuses fulgurances.
Le premier morceau, “Spanish Main” est un appel aux armes, volontairement répétitif comme une scie allemande, terriblement efficace pour lancer l’album. S’ensuit un flot de mélodies intemporelles. Chants de marins à la sauce psychédélique (“I Remember When” et son break polka, la nursery rhyme mélancolique “Calendars And Clocks”), ska liverpuldien (“Dreaming Of You”, waooooouh), garage-rock sixties (“Goodbye” qu’ils étirent sur 15 minutes d’impro en concert) et ballades inspirées (les magnifiques “Shadows Fall”, la subtile “Simon Diamond”) sont exécutés avec une classe inouïe pendant la grosse demi-heure que dure l’album.
L’ombre du Capitaine plane sur la plupart des morceaux lors de changements de tempo renversants, en particulier sur le blues alambiqué de “Skeleton Key”. La basse et les guitares – forcément à haute teneur psychédélique – claquent, le clavier omniprésent semble avoir été volé à Al Kooper en 1965 et le chanteur James Skelly sonne comme s’il avait trois fois son âge.
Que dire sinon que ce sextet est déjà un grand groupe, appelé à écrire un nouveau chapitre de l’histoire du rock anglais ? Rien. Des groupes tueraient pour écrire n’importe laquelle de leurs faces B (au hasard “Boy At The Window” ou “Follow The Sun”). The Coral a crée la nouvelle scène de Liverpool au point d’avoir inspiré une demi-douzaine de clones – allant du meilleur au pire – nommés Zutons, Stands ou Bandits… Un signe qui ne trompe pas.
Tracklisting :
1. Spanish Main
2. I Remember When *
3. Shadows Fall *
4. Dreaming of You *
5. Simon Diamond *
6. Goodbye *
7. Waiting for the Heartaches
8. Skeleton Key *
9. Wild Fire
10. Bad Man
11. Calenders and Clocks *
Vidéos :
“Dreaming Of You”
Vinyle :
Comme toujours, la pochette rend mieux en format vinyle, on peut y admirer en détail le collage-photo. Les paroles sont dans la pochette intérieure.