(Drag City 2012)
Ty Segall + White Fence, voila une affiche de rêve pour quiconque à les oreilles tournées vers la scène garage lo-fi américaine des années 2010.
Alors que sur le papier l’album apparaît être une collaboration entre deux des artistes les plus prolifiques et inventifs du moment dans le registre du rock lo-fi, les notes de pochette trahissent plus un projet collectif qu’un véritable duo. Les suspects habituels, piliers de la galaxie Segall viennent apporter leur pierre à l’édifice. L’inévitable Mikal Cronin pose des lignes de basse en gouttes d’eau façon Paul McCartney. Mike Donovan des excellents Sic Alps (et producteur attitré de Ty Segall) est aussi de la fête. Le seul élément en fait qui permette de qualifier cet album de collaboration entre Segall et White Fence (Tim Presley de son nom civil) demeure la répartition de l’écriture des chansons. Segall en compose deux, Presley trois, et les trois dernières sont des collaborations entre les deux musiciens.
Malgré cette parité, l’essentiel des morceaux ici sonnent comme du White Fence pur jus. A l’exception d’un final noisy, “Time” en est l’exemple type, tout comme la superbe “The Black Glove / Rag”. On retrouve ici avec plaisir le jeu de guitare lumineux de Tim Presley, mais on est surpris que ce soit ce même Presley qui donne autant de la voix sur l’album. Le chant n’a jamais été le fort de White Fence, il n’y a qu’à écouter les deux albums déjà publiés du groupe (d’ailleurs la suite arrive bientôt) pour s’en faire une idée : plaintive, nasillarde, et souvent doublée afin de sonner mieux sur disque, la voix de Presley n’est pas le point fort de ce musicien. Il doit faire avec lorsqu’il élabore ses disques personnels, mais on s’étonne que sur ce projet collectif avec Ty Segall ce ne soit au blondinet qu’ait échu le rôle de chanteur. Mettons-nous en situation : si vous montez un groupe et que Ty Segall est dans la pièce, à qui allez vous tendre le micro ? La réponse nous parait évidente, mais sur Hair c’est le plus souvent Tim Presley qui chante. La raison tient sans doute à la forte personnalité du blondinet, difficile à diluer dans un autre univers : sur les deux morceaux qu’il compose seul et qu’il chante (“Easy Rider” et “Crybaby”), White Fence est invisible, écrasé par la présence de Segall. D’où le choix de ce dernier sans doute de rester en arrière plan, et de se cantonner l’essentiel du temps à assurer la batterie.
Pour cela, on s’étonne presque de voir le groupe nommé Ty Segall & White Fence, tant le truc sonne parfois plus comme White Fence featuring Ty Segall. En dehors des deux morceaux qu’il écrit et chante, on ne sent l’influence de ce dernier que le temps de quelques morceaux, comme “I Am Not A Game” ou l’agressif “Scissor People”. Ce titre est sans doute de l’album celui où la collaboration est la plus égalitaire. C’est clairement un morceau de Segall, auquel Presley vient ajouter un solo de guitare psychédélique éclatant. Il en résulte un truc qu’aucun des deux n’aurait jamais pu concevoir seul. La dernière minute du morceau – un collage épileptique de bouts de morceaux divers et qui s’achève en pastiche de Neu! – est magnifique. D’ailleurs, de manière générale, l’album est superbe. Les deux musiciens sont au meilleur de leur forme, leurs collaborateurs aussi (la basse de Mikal Cronin scintille tout au long de l’album, et le morceau “Tongues” écrit et chanté par Sean Presley, le frère de Tim, est au niveau du reste). Bref, Hair est une réussite éclatante, un grand disque de rock psychédélique qu’on ne se lasse pas de faire tourner.
Tracklisting :
- Time *
- I Am Not a Game *
- Easy Ryder *
- The Black Glove/Rag
- Crybaby
- (I Can’t) Get Around You
- Scissor People *
- Tongues
Vidéo :
“Scissor People”
Vinyle :