(Drag City 2011)
Apprécié et soutenu en ces pages depuis quelques années désormais, Ty Segall a vu son statut de petit prince du garage-rock californien changer en 2010 avec la publication de Melted, album gorgé de reverb et à l’esthétique grunge qui lui a autant aliéné de fans qu’il lui a permis de percer auprès d’un public plus vaste.
Le one-man band rustre des débuts avait fait place à une rock-star aux longs cheveux blonds et aux chemises de bucheron. Une question taraudait son public : Ty Segall était-il en train d’initier un revival 90s ? Allait-il se muer en clone (forcément inutile) de Kurt Cobain ?
Goodbye Bread qui sort aujourd’hui devrait calmer quelques temps les détracteurs de Segall. Si le revival nineties semble bien avoir lieu en 2011, ce n’est pas lui qui en est l’initiateur, mais quelques groupes britanniques tels que Cage The Elephant, Yuck ou Let’s Wrestle. Segall, de son côté, poursuit sa trajectoire dans la direction qui paraissait la plus naturelle après son mini-album de reprises de T-Rex sorti à l’occasion du Record Store Day (l’excellent Ty-Rex), en chantant des ballades folk lo-fi, vaguement glameuses, où les couplets marmonnés laissent place à des refrains braillés avec conviction.
Certains esprits chafouins n’ont pas apprécié la production audacieuse de Melted. Segall y jouait déjà des ballades lo-fi, mais les noyait dans un flot de fuzz, de reverb et d’effets aussi déroutants que divers qui rendaient l’approche de cet album difficile. Si on a adoré Melted, il est vrai qu’il nous a fallu du temps pour rentrer dedans tant il était parfois difficile de discerner les grands morceaux que sont “Girlfriend” et “Sad Fuzz” derrière le chaos orchestré par le blondinet. Pour Goodbye Bread, Segall a changé son fusil d’épaule et poursuivi le chemin entamé sur Ty-Rex : les guitares sont toujours idéalement brouillonnes, la voix raisonnablement distordue, mais la sobriété est de mise pour atteindre un objectif simple : laisser parler les mélodies.
Ainsi, l’album, au tempo plutôt lent, est une collection de ballades lo-fi qui évoquent tantôt le Beck crasseux des débuts, le versant somnambule des Beatles (genre “I’m So Tired”, “I’m Only Sleeping”) ou l’acid-folk californien des années 60, et certains morceaux comme “I Can’t Feel It” semblent sorties de la plume de Marc Bolan période Tanx. Ty Segall, comme à ses débuts, joue de tous les instruments (ce qui, encore une fois, diffère de Melted) fait mouche grâce à son sens du refrain et à ce chant lancinant prompt à envouter quiconque le croise. Une fois le rythme de l’album assimilé, impossible de se défaire de ces formidables chansons que sont “My Head Explodes”,”The Floor”, “Goodbye Bread” ou “Fine”.
Tracklisting :
1. Goodbye Bread *
2. California Commercial
3. Comfortable Home (A True Story)
4 You Make the Sun Fry *
5. I Can’t Feel It
6. My Head Explodes *
7. The Floor *
8. Where Your Head Goes
9. I Am With You *
10. Fine *
Vidéos :
“I Can’t Feel It”
Vinyle :