(Drag City 2013)
Il semble que Drag City ait été pris d’un vent de panique au moment de faire la compta de sa trésorerie pour l’année 2013. Après examen des chiffres, le constat était formel : Ty Segall n’avait publié qu’un seul album sous son nom en cette année civile. Un album acoustique, en plus ! Il fallait rétablir cette anomalie au plus vite, quitt à agir dans la précipitation et faire n’importe quoi.
Début novembre, le label annonça ainsi la publication d’un album en édition ultra-limitée. Un album de démos du Twins de 2012 finement nommé Gemini. Ouf, l’honneur était sauf.
La seule chose que n’avait pas anticipée le gentil label, c’est que tout ce qui touche à Ty Segall vaut de l’or aujourd’hui, en particulier les éditions limitées. En moins de temps qu’il en fallait pour accoucher de l’idée idiote de Gemini, le disque était déjà sold-out et mis aux enchères sur eBay pour des sommes extravagantes.
Vent de panique, rétro-pédalage : pour couper court à cette spéculation qu’il n’avait pas anticipée (peut-on être naïf à ce point?), Drag City décida alors de publier le disque à plus grande échelle. S’en suivirent évidemment les réactions outragées des spéculateurs pris à leur propre piège, et la colère des primo-acheteurs estimant la pratique peu fair-play (beaucoup avaient acheté le disque par panique de le voir disparaître vite).
On ne va pas vous mentir : cette décision ne fut pas pour nous déplaire. Parce qu’on estime qu’un disque, c’est fait pour être diffusé au plus grand nombre, pas pour rester sous blister sur les étagères d’une centaine de collectionneurs qui ne jugent les disques que par leur cote sur Popsike ou Discogs. Les éditions limitées sont une plaie.
C’est le mal incarné. Un concept malhonnête qui finira par causer la mort du vinyle. C’est pourquoi on abhorre le Record Store Day et ses disques introuvables (un disque tel que Ty Rex n’aurait-il pas aussi mérité une sortie à grande échelle?) et qu’on préfère rester chez soi ce jour-là. Publier un disque à 300 exemplaires quand on sait que des milliers de personnes veulent l’acheter a quelque chose de criminel.
Bref, aujourd’hui Gemini se trouve dans toutes les crèmeries et s’avère sans grand intérêt. C’est un disque de démos, qui amuse cinq minutes parce qu’il permet de jeter un œil sur le processus d’écriture de Segall, mais rien ici ne mérite l’investissement. Le plupart des versions des morceaux sont proches à 90% du produit fini et ne s’en démarquent que par leur enregistrement de piètre qualité (“Thank God For Sinners”, “You’re The Doctors”). Les seules pistes dignes d’intérêt sont celles tirées de premières sections acoustiques car elles diffèrent vraiment de leur version définitive (“The Hill”, “Would You Be My Love”, “They Told Me Too”). C’est maigre.
Tracklisting :
- Thank God For Sinners
- You’re The Doctor
- Inside Your Heart
- The Hill
- Would You Be My Love
- Ghost
- They Told Me Too
- Handglams
- Who Are You
- Gold On The Shore
- There Is No Tomorrow
Vidéo :
“Would You Be My Love”
Vinyle :