(1er album – Sortie LP mars 1969 ; Atlantic)
Ce disque, qui marque la fin des sixties et des illusions qui y sont associées, est également un des grands disques d’un genre oublié, le power-blues, qui fut décliné (pour le meilleur et pour le pire) en rock sataniste, hard-rock, metal, heavy metal…
Même si de nombreux groupes hippies ont continué dans la première moitié des années 70 à sortir des albums comme si rien n’avait changé, la sortie de ce disque les avait déjà condamnés. Les membres du groupe ont pourtant pris part à l’explosion du rock britannique des sixties, en particulier John Paul Jones, le bassiste (qui a orchestré “She’s A Rainbow” des Rolling Stones en 1967) et Jimmy Page. Guitariste prodige et musicien de studio depuis le début des années 60, Page participe activement au mouvement freakbeat (entre 1965 et 1968, il joue sur un nombre hallucinant de singles de groupes anglais). Il apparaît même en studio aux côtés des Kinks (sur “Bald Headed Woman”, en 1964) et des Who (sur “I Can’t Explain”, le premier single du groupe, en janvier 1965). Quant à Robert Plant et à John Bonham, le premier va établir le prototype du chanteur de rock du début des 70’s, le second va sceller le destin du groupe, par son jeu (souvent violent, toujours précis), mais aussi par son comportement (il est mort alcoolique en septembre 1980).
Le membre “central” du groupe est sans conteste Jimmy Page, guitariste des Yardbirds depuis février 1966, et qui va trouver avec Led Zeppelin le groupe parfait pour jouer la musique qu’il va composer (ou adapter), arranger et produire. L’album bénéficie d’un son énorme, qui est rendu encore plus impressionnant par la maîtrise instrumentale dont fait preuve chaque membre du groupe.
Les racines de l’album sont résolument blues : on trouve ici deux reprises des titres de Willie Dixon, “You Shook Me” (écrit pour Muddy Waters) et “I Can’t Quit You Baby” (écrit pour Otis Rush, dont ce sera le seul succès populaire). Le groupe parvient à apporter à chaque morceau une identité nouvelle : les chansons ne sont pas des reprises “fidèles” des versions originales, mais des interprétations personnelles qui vont parfois jusqu’à modifier mélodie et structure profonde de la chanson. Ainsi sur “You Shook Me”, John Paul Jones pose une série d’accords extraordinaires à l’orgue, puis laisse Page poser un solo d’harmonica, avant que la guitare de Page ne revienne à nouveau au premier plan. Le chant reprend, puis se change en hurlements étranges, auxquels répond encore la guitare. Pas de temps à perdre, quelques notes de basse et le disque enchaîne avec (le meilleur morceau de Led Zep ?) “Dazed and Confused”. Le morceau est prodigieux, aussi bien dans construction que dans son interprétation, et le groupe est une fois de plus impressionnant de maîtrise.
L’une des grandes forces du groupe était sa capacité à sortir des morceaux qui sont immédiatement devenus des classiques du rock. Le premier album, en plus de “Dazed and Confused”, possède deux autres titres qui sont devenus emblématiques du groupe : “Good Times Bad Times” (premier morceau du disque, et entrée magistrale dans l’univers musical de Led Zeppelin), et l’inusable “Communication Breakdown”, dont l’attaque de guitare reste extraordinaire d’agressivité et d’efficacité, même au-delà de la 3000ème écoute. Avec ces titres devenus mythiques, mais aussi par ceux qui sont restés moins connus (l’instrumental “Black Moutain Side” avec sa démonstration de tabla et de guitare, l’adaptation prodigieuse de “Babe I’m Gonna Leave You” et les deux reprises de Dixon), auxquels il faut ajouter les épiques “Your Time Is Gonna Come” et “How Many More Times”, Led Zeppelin a sorti un premier album d’une densité exceptionnelle, avec plusieurs chansons intouchables et aucun mauvais morceau.
Ce disque (#6 dans les charts UK, #10 dans les charts US) va apporter au groupe un succès immédiat, qui sera encore amplifié par le second album (sorti la même année au mois d’octobre, Led Zeppelin II fut #1 des deux côtés de l’Atlantique). Le groupe commençait une domination mondiale sans partage sur la scène rock, une position qu’il conserveront jusqu’à la moitié des années 1970.
Tracklisting :
Face A :
Good times bad times *
Babe I’m gonna leave you *
You shook me
Dazed and Confused *
Face B :
Your time is gonna come
Black moutain side
Communication breakdown *
I can’t quit you baby
How many more times
Pour une sombre histoire de droits d’auteur, Robert Plant n’est crédité sur aucune chanson de ce disque ; il est néanmoins l’auteur de la plupart des paroles des morceaux écrits par le groupe.
Vidéos :
“Communication Breakdown”
“Dazed And Confused”
Vinyle :