BELLE & SEBASTIAN – Dear Catastrophe Waitress

Emancipation

(Rough Trade 2003)

On avait de sérieux doutes concernant Trevor Horn. Pensez donc : le cerveau malsain responsable des infâmes Frankie Goes To Hollywood (groupe eighties au son boursouflé – cf “Relax”) et du coup promotionnel Tatu (vous savez, les fausses lesbiennes russes post-pubères…) n’inspire guère confiance.

L’association annoncée avec Belle & Sebastian fut une surprise. On imaginait mal la pop acoustique des écossais – flirtant souvent avec l’amateurisme – aller de pair avec la luxuriance et la démesure (souvent de mauvais goût) du pygmalion anglais. Par ailleurs, le groupe n’était pas au mieux en 2003. Le départ d’Isobel Campbell – en partie dû à sa rupture avec le chanteur Stuart Murdoch – succédant une paire d’albums décevants (Folk your Hands Child… et Storytelling) et un changement de label (de Jeepster à Rough Trade) trahissaient un groupe en perte de vitesse, proche de la fin. Le controversé Trevor Horn pouvait-il remédier à ce malaise?

Incroyablement, oui. Dear Catastrophe Waitress est peut-être le meilleur album jamais écrit et enregistré par Belle & Sebastian qui cotoie à nouveau les sommets de Tigermilk et If You’re Feeling Sinister (le bleu et le rouge pour ceux qui sont allergiques à l’anglais). 12 morceaux pour 48 minutes de bonheur intégral. On peut parler ici de chef d’oeuvre.

D’une variété jamais vue chez le groupe écossais auparavant, l’album bénéficie – en plus des mélodies parfaites et de la voix particulière de Stuart Murdoch – des instrumentations soignées de Trevor Horn qui font de chaque piste un modèle de chanson pop parfaite. Avec son motif de flute, “Step Into My Office Baby” sonne très sixties et possède une rythmique rock’n’roll loin de l’étiquette acoustique du combo. Le groupe se permet un intermède vocal à la Zombies en guise de pont… on nage dans le bonheur. L’ombre de Bob Dylan surgit dans “If She Wants Me”, ballade blues portée par un orgue à la Al Kooper qui montre à quel point le groupe a gagné en sérénité.

La première chanson typiquement Belle & Sebastian n’arrive qu’en cinquième position. “Asleep On A Sunbeam” chantée par la violoniste Sarah Martin est une mélodie à tiroirs magnifique et contagieuse. On peut en dire autant de l’excellent single “I’m A Cuckoo” ou de la ballade “You Don’t Send Me” que porte une trompette mariachi. Enième mélodie parfaite, “Books” est un des grands moments du disque, que la production envoie plus loin que le groupe n’est jamais allé. Dès le deuxième couplet une ligne de piano-jouet surprend avant que des bois ne calfeutrent le refrain d’une douce mélancolie. La chanson se termine comme dans un rêve, chantée à trois voix. Un peu plus rythmée, “Roy Walker” voit le groupe se la jouer Crosby, Stills & Nash avec des choeurs cristallins pas entendus depuis les années soixante et des claquements de doigts poppy. L’ultime “Stay Loose” rappelle “Ashes To Ashes” de David Bowie – par la ligne de basse surtout – et démontre l’étendue nouvelle du répertoire de Belle & Sebastien qui jamais ne tombe dans la pastiche et parvient même à garder son identité.

Les deux meilleurs morceaux de cet album demeurent sans conteste “Dear Catastrophe Waitress” et “Piazza New York Catcher”. Le premier est une symphonie de poche, une sorte de “Good Vibrations” des années 2000, un morceau épique où en 2’20 on assiste à un déluge d’instruments hallucinant : violons, frottés puis pincés, trompettes annonçant un orchestre symphonique, cor plaintif lors d’un passage inspiré d’Ennio Morricone… Le résultat est époustouflant. Un grand morceau de pop symphonique, ni ronflant ni tape-à-l’oeil comme chez les surestimés Mercury Rev (halte à la musique de bobos des abonnés aux Inrocks!) mais empreint d’une fraîcheur et d’une énergie rejuvénante. Le second, “Piazza New York Catcher” est un joyau absolu, une pièce acoustique de facture classique – guitare et voix – qui démontre que nul n’est besoin de grandes orchestrations quand on est capable d’écrire une telle chanson. Ici réside la force de Belle & Sebastian. Quand l’inspiration est de retour, que les chansons sont là, le reste n’est que de l’enrobage.

Ce Dear Catastrophe Waitress arc-en-ciel donne un statut nouveau au groupe écossais. D’outsiders à l’approche amateuriste lo-fi, le groupe s’est métamorphosé en groupe pop inspiré et ambitieux. Pour la première fois depuis longtemps, on attend le prochain album avec impatience.

 

 

Tracklisting :

  1. Step Into My Office, Baby  *
  2. Dear Catastrophe Waitress  *
  3. If She Wants Me
  4. Piazza, New York Catcher  *
  5. Asleep On A Sunbeam
  6. I’m A Cuckoo
  7. You Don’t Send Me
  8. Wrapped Up In Books  *
  9. Lord Anthony
  10. If You Find Yourself Caught In Love
  11. Roy Walker  *
  12. Stay Loose  *

 

 

Vidéos :

“Step Into My Office Baby”

 
“I’m A Cuckoo”
 
 
“Wrapped Up In books”
 

 

Vinyle :

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