(LP : Elektra Records 1967 ; Réédition CD : Rhino 2001)
Sorti à la fin de l’année 1967, Forever Changes est le troisième album de Love, un groupe américain originaire de Los Angeles, emmené par Arthur Lee et Bryan McLean (les deux chanteurs/guitaristes du groupe).
Avant cet album, Love a déjà sorti deux excellents disques, Love (en 1966) et Da Capo (au début de l’année 1967). La composition du groupe a évolué, et le style du groupe s’est diversifié : les influences folk, blues et le son garage des premiers albums font place pour Forever Changes à une orchestration recherchée et ambitieuse, qui utilise cordes et trompettes à l’envi pour accompagner les morceaux écrits par Lee et McLean. A la production, Arthur Lee et Bruce Botnick (le producteur attitré d’Elektra Records – donc celui des Doors) font des merveilles (à l’origine, Neil Young et Bruce Botnick devaient produire le disque, mais Young a dû renoncer – après avoir arrangé de façon magistrale le morceau « The Daily Planet »).
L’enregistrement de cet album a été très délicat : dès les premières sessions, le groupe est au bord de l’implosion ; depuis Da Capo (l’album précédent), deux membres de Love ont quitté le groupe, et de nombreuses sessions de Forever Changes ont eu lieu avec des musiciens de studio, qui accompagnaient Lee et McLean. Ces derniers, les deux membres les plus influents du groupe, avaient pourtant eux aussi de sérieux problèmes à cette période : Arhur Lee était persuadé (pour des raisons inconnues) qu’il allait mourir avant la fin de l’année 1967, et Brian McLean, déjà héroïnomane, avait un comportement difficile à gérer. Malgré cette situation, Forever Changes, enregistré pendant l’été, reste le disque définitif de la musique de la côte Ouest américaine de l’année 1967.
Le troisième album de Love est en effet l’une des plus grandes réussites de l’histoire de la musique pop-rock : parmi les onze pistes qui composaient le LP original, aucune n’est de trop, et il semble impossible d’en désigner une comme la meilleure de l’album. Depuis les premières mesures de « Alone again or », où violons, trompettes et trombones rejoignent rapidement la guitare acoustique et le duo basse-batterie habituel jusqu’à « You Set the Scene » (véritable symphonie pop, et point d’orgue de l’album), en passant par la fin improbable de l’orchestration de « The good humor man he sees everything like this » ou les fins de vers différents sur « The Daily Planet » et « The Red Telephone », ce disque possède une harmonie et une justesse qui apparaissent dès la première écoute.
En effet, au-delà de certains aspects, qui ne se dévoilent qu’après une écoute plus attentive (qu’il s’agisse de d’arrangements, des mélodies croisées ou des paroles), l’excellence de ce disque est évidente : «Andmoreagain », « Old Man » et « The Red Telephone » comptent parmi les plus belles ballades jamais enregistrées ; quant à « A house is not a motel », « Live and let live » et « Bummer in the summer », ce sont des morceaux aussi réussis que variés… Qu’elles soient emmenées par une guitare acoustique, une ligne de basse ou par un piano, toutes ces chansons ont une qualité indiscutable et un intérêt particulier.
Le disque profite aussi des qualités de chanteur d’Arthur Lee, qui règne en maître sur la plus grande partie de l’album – mais les morceaux chantés par Bryan McLean sont également prodigieux (« Old Man » et « Alone Again Or »). Les musiciens sont parfaits – en plus des violons, trompettes et trombones, l’album possède un son de basse prodigieux (parfois jouée sur une contrebasse), qui donne à Forever Changes une chaleur unique. Les textes sont à la hauteur de la musique, et renferment de véritables bijoux… Lee a ensuite affirmé que le fait de penser que sa mort allait survenir d’un moment à l’autre l’avait beaucoup influencé au moment d’écrire les chansons, ce qui permet de considérer quelques-uns de ses vers avec un regard nouveau : « Sitting on a hillside / Watching all the people die / I’ll feel much better on the other side » (sur « The Red telephone ») ou encore « And for everyone who thinks that life is just a game / Do you like the part you’re playing? » (sur « You Set the scene »). Les exemples de ce type, où les textes transcendent la musique, sont nombreux dans ce disque, et ajoutent à la qualité de l’ensemble pour bâtir un ensemble extraordinaire.
Pendant que le monde avait les yeux tournés sur Beatles et Beach Boys, des disques prodigieux sortaient dans le monde entier à un rythme hallucinant : Forever Changes, aujourd’hui considéré comme un des plus grands disques de l’histoire, est pourtant passé relativement inaperçu – il obtint pourtant un succès d’estime en Grande-Bretagne (se plaçant dans le Top 30 des ventes d’albums), mais n’a pas permis au groupe de rencontrer le succès qu’il méritait. Au début des années 2000, Arthur Lee est reparti en tournée pour jouer l’intégralité de l’album – il était alors accompagné du groupe Baby Lemonade. The Forever Changes Concert, sorti en 2003, est également un disque indispensable, qui offre un regard différent sur ce disque génial, plus de trente-cinq ans après sa sortie.
Liste des chansons :
2. A House is not a motel *
3. Andmoreagain *
4. The Daily Planet
5. Old Man *
6. The Red Telephone *
7. Maybe the people would be the times or between Clarck and Hilldale
8. Live and let live
9. The good humor man he sees everything like this
10. Bummer in the summer *
11. You set the scene*
Réédition CD (Rhino 2001) :
12. Hummingbirds
13. Wonder People
14. Alone Again or
15. You Set the scene
16. Your Mind and we belong together
17. Your Mind and we belong together
18. Laughing Stock
Vidéos :
“Alone Again Or”
“The Red Telephone”
Vinyle :
Cette version de Forever Changes possède le logo et le titre de l’album en noir.