WHITE DENIM – Workout Holiday

Explosion des genres

(Full Time Hobby 2008)

A première vue, White Denim pourraient paraître comme un groupe garage de plus. La scène américaine est riche en ce moment d’artistes qui exploitent le genre jusqu’à la corde, recyclant sans arrêt les trois mêmes riffs.

A l’écoute distraite du single “Shake Shake Shake”, on a d’abord cru avoir affaire à un combo dans la veine des Black Lips. En se penchant plus sérieusement sur ce morceau, on a découvert, derrière le riff punk et les cris désordonnés, quelques signes témoignant que quelque chose d’étrange se passait en coulisse. Solo de basse, guitares échevelées, structure qui vole en éclats: White Denim font exploser le morceau en course avec un panache et une dextérité incroyables. Impossible de rester insensible à ce moment de bravoure.

Workout Holiday,  véritable premier album de ce trio venu d’Austin (leur discographie est assez complexe), est sorti en 2008 sur un petit label anglais nommé Full Time Hobby, ce qui lui a donné peu de visibilité sur le très encombré marché du disque. Disons-le sans détour : on a rarement entendu premier album aussi fulgurant ces dernières années. Le groupe envoie un rock’n’roll à la patine garage mais à la construction ambitieuse et aux influences tellement diverses qu’on a eu du mal à les assimiler lors des premières écoutes. L’énergie et le sens du riff évoquent, on l’a dit, le rock’n’roll garage des Black Lips ou de MC5, le son de basse – très en avant dans le mix – renvoie vers le post-punk anguleux de Gang Of Four, la liberté des échappées instrumentales à Captain Beefheart et à Red Krayola, le chant hurlé et certains rythmes et percussions au R&B le plus incandescent.

La face A de l’album est assez nerveuse, avec le riff rageur de “Let’s Talk About It” qui ouvre la danse. Ce morceau, un des rares à être vraiment accessibles à première écoute, possède lui aussi un pont psychédélique de nature à provoquer l’incompréhension. “Shake Shake Shake” enchaîne, avant la première surprise de l’album, la ballade pop “Sitting”, élégante et classieuse, qui possède un côté primesautier à la Paul McCartney et chantée avec un croon amusant. Un morceau de pop anglaise pur jus. Derrière, le groupe s’aventure avec “I Can Tell” dans des rythmes étranges à la Talking Heads et lance un refrain improbable, porté par un sitar groovy. Les choses s’accélèrent ensuite avec “Mess Up Your Hair”, un morceau génial de créativité, dans une veine art-rock que Bloc Party des débuts n’auraient pas renié. En cinq morceaux, White Denim ont montré autant de visages différents. Incroyable.

Le reste de l’album poursuit cette quête de l’explosion des genres avec brio. “Heart From Us All” d’abord, mêle superbement world-music et de post-punk raide à la Feelies.  S’ensuivent le R’n’B fou de “All You Have To Do” avec sa basse dérangeante puis “Look That Way At It”, un instrumental déstructuré, et l’immense “Darkseid Computer Month”, morceau de funk sous amphétamines joué à l’économie de notes par un groupe post-punk. Pour visualiser, c’est un peu comme si Test Icicles tentait de jouer de la soul. Avec ces grooves étranges, la face B est plus difficile que le début d’album, impénétrable presque. La délirante “WDA” en témoigne, tout comme ce jazz-punk épileptique (comment décrire autrement ?) que propose le groupe sur “Don’t Look That Way At It”. Sur ce morceau complexe, le groupe propose un des refrains les plus crétins qui soient, à base de “yaaa-yaaa-ya-yaaaaahs”. Ces mecs ne se prennent pas au sérieux, raison de plus de les aimer.

Le dernier morceau de l’album, “IEIEI”, dévoile peut-être la principale influence du groupe, la clé pour saisir tout-à-fait sa démarche aussi expérimentale que flamboyante, aussi peu sérieuse que maîtrisée. Avec son refrain psychédélique en diable et ses changements de tempo délirants, “IEIEI”  rappelle grandement les Mothers Of Invention de la première période. White Denim seraient-ils les rejetons de Frank Zappa ?

 La parenté existe mais il serait trop réducteur de s’y arrêter. Si White Denim tordent le rock’n’roll dans tous les sens, jouent des structures avec une maîtrise impressionnante des rythmes et des genres, ils sont avant tout un groupe de punks qui s’amusent à faire exploser les barrières entre les genres, là où Zappa était le chef d’orchestre d’une assemblée de freaks qui, derrière ses moustaches et son allure je-m’en-foutiste, avait des ambitions jazz sérieuses (et franchement emmerdantes si vous voulez notre avis).  A l’image de sa pochette  – un collage hétérogène d’images sans véritable lien –, Workout Holiday est un album qui explose dans tous les sens. Un disque exigeant pour audiophiles aimant se faire remuer dans leur fauteuil. Un grand, immense album.

 

 

Tracklisting : 

1. Let’s Talk About It *
2. Shake Shake Shake *
3. Sitting *
4. I Can Tell
5. Mess Your Hair Up *
6. Heart From Us All *
7. All You Really Have To Do *
8. Look That Way At It
9. Darksided Computer Mouth *
10. WDA
11. Don’t Look That Way At It
12. IEIEI

Le MySpace du groupe : www.myspace.com/whitedenimmusic

Le groupe a sorti un deuxième album intitulé Fits en 2009, encore plus barré, sur lequel on reviendra bientôt.

 

 

Vidéos :

“Shake Shake Shake”

 
“Let’s Talk About It”
 
 
“All You Really Have To Do”
 

 

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9 Commentaires
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markymark
Invité
markymark
27 avril 2010 3 h 22 min

effectivement un grand album, bien meilleur que fits selon moi (trop éparpillé)

klak
Invité
27 avril 2010 7 h 56 min

ahurissant, ébouriffant etc etc

Fits se comose en 2 phases une furieuse et une appaisée, il est également très très bon

Lars
Invité
Lars
27 avril 2010 3 h 23 min

On peut entendre du White Denim dans une pub pour…SKIP, une marque de lessive, qui passe souvent sur la chaine commerciale française. C’est assez flashant.

britsh
Invité
28 avril 2010 0 h 41 min

on peut faire du garage sans tomber dans la facilité, album très riche… merci pour la découverte

Dahu Clipperton
Invité
Dahu Clipperton
28 avril 2010 1 h 46 min

Découvert tout récemment (vu que Fits était “en rotation lourde” sur votre platine ), je dois dire que les gars de White Denim m’ont mis quelque peu sur le c*l avec celui-ci. Pas encore tout digéré, ce qui ne peut qu’inciter à y revenir !

 

Pour IEIEI, ça m’a plutôt évoqué une référence plus récente : Akron/family (très très forts eux aussi dans le registre “explosion des genres”^^)

Et, je ne sais pas si ce sont mes oreilles, quand j’écoute le début de Sitting, je ne peux m’empêcher de penser à… Sir Duke de Stevie Wonder !

Dr.Nichon
Invité
29 avril 2010 0 h 58 min

lol c’est laquelle la pub Skip ? ça m’intéresse

Elmoro66
Invité
Elmoro66
4 mai 2010 6 h 24 min

Je ne suis pas un grand fan des musiques avec peu de parole mais la …..

on va dire qu’on peut faire des exceptions surtout le morceau Shake Shake Shake =)

 

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