La bonne nouvelle de cette fin de morose année, c’est qu’un des meilleurs groupes garage-rock américains a décidé de faire une halte à St Etienne avant que tout le monde ne se gave le foie gras pendant les décadentes “fêtes de fin d’année”, semaine de relâchement général où le monde riche se fait péter la panse en alcool et bouffe pendant une semaine d’orgie ininterrompue façon jet-set.
Le Thunderbird a réussi, une fois de plus, un gros coup en faisant venir ce quatuor de Buffalo dans notre trou du culturel stéphanois. Comme à chaque concert ici, la salle est blindée de monde – facile, vu qu’à plus de 40 dans le minuscule sous-sol on se croirait à Altamont.
Un mot sur les groupes qui ont assuré la première partie : les Chacaux (sic) sont un trio punk-garage à l’humour lourdingue, au talent incertain, mais à la bonne volonté louable. Le groupe génère un ennui poli durant son set et se fait même honte en reprenant “Psychotic Reaction” de Count Five et un morceau des Dirtbombs. En fin de compte les Chacaux (re-sic) ne sont qu’un petit groupe sans prétention qui se fait plaisir en jouant les chansons qu’il aime. Tant qu’il y aura des gens comme ça, le rock se portera bien… Et puis sans groupes médiocres, le bar tournerait moins bien, non?
Le second groupe est plus intéressant. Les Hunchbacks sont un excellent groupe de punk local, à la rythmique altière et au son nickel. Le problème de ce groupe aux compos impeccables réside en fait dans son visuel. Les Hunchbacks ne sont pas glamour pour un sou et ont un jeu de scène un peu statique. Pire, le chanteur manque considérablement de charisme pour espérer porter son groupe plus haut. Sa voix ne fait pas d’étincelles et son physique est plutôt boulanger. On a plus l’impression de voir chanter son commun du coin qu’un véritable punk-rocker engagé et engageant. Il ne déclenche aucune réaction en nous, on n’a pas envie d’être lui… cela ruine un peu les efforts de son excellent combo.
On se rend compte du chemin qu’il leur reste à parcourir lorsqu’arrivent les Bloody Hollies. Nourris à l’école de Detroit – et récemment produits par l’indispensable Jim Diamond, qui les a transformé en leur injectant cette fusion stoogienne propre au son garage de Detroit – les Bloody Hollies jouent beaucoup plus vite et plus fort que les groupes précédents. En fait, il y a un
monde entre ce à qu’on a eu droit pendant deux plombes et le groupe de dandys énervés qui joue devant nous. Le chanteur Wesley Doyle, sorte de Steve Marriott aux cheveux bouclés attire tous les regards, ce qui irrite son bouillant bassiste binoclard qui en fait des tonnes pour être au centre de l’attention. Tout en se contorsionnant dans tous les sens, ce dernier assure une rythmique d’enfer en compagnie du cogneur qui doit empêcher tout le quartier de dormir.
Le concert est d’une grande intensité et le groupe convainc à grands coups de massue au terme d’un set puissant et diablement rock’n’roll. Parmi les meilleurs morceaux ce soir, on pense inévitablement à “Watch Your Head”, “Cut It Loose”, “Burning Heart”, “Gasoline” ou “Mind Control”. Les Bloody Hollies sont certainement le meilleur groupe garage qu’on ait vu en concert depuis les Dirtbombs ou les Datsuns. Voilà à quelle hauteur se situe ce groupe.
A la sortie du concert, il semble évident qu’ils sont le meilleur nouveau groupe dans leur catégorie. En 2001 ces mecs là seraient devenus des superstars. En 2005, dans l’avalanche de groupes new-wave et art-punk, le fait qu’il existe encore des groupes classieux de la trempe des Bloody Hollies est vital. Une véritable bouffée d’oxygène en fait.