(BYG Records, 1971)
“Bonsoir, c’est une émission planète Gong par Radio Gnome Invisible en direct de la planète Gong »; ainsi commence Camembert électrique, qui fut sorti à la fin de l’année 1971 par Gong, le groupe de l’australien Daevid Allen (attention, ce disque a changé la vie de 100% des chroniqueurs de disques de ce site).
Au début des années soixante, après un séjour de quelques mois à Paris – en compagnie de William Burroughs et d’Allen Ginsberg -, Daevid Allen prit la direction de l’Angleterre. Il trouva pour se loger une chambre dans la maison de la famille Wyatt. Le jeune fils, un certain Robert, déclara plus tard “Tous les ados ont besoin d’avoir un héros, le mien s’appelait Daevid Allen, et il habitait chez moi“. Quelques temps plus tard, Allen et Wyatt formèrent les Wilde Flowers, (avec Kevin Ayers, Mike Ratledge et Hugh Hopper), puis The Soft Machine. Malheureusement, peu après l’enregistrement des quelques démos extraordinaires (Jet Proppelled Photographs) et d’un non moins génial 45 tours (“Love Makes Sweet Music”) Daevid Allen fut interdit de territoire britannique à cause d’ “irrégularités de passeport” (il avait collé une photo d’une statue de bouddha par dessus la sienne).
De retour à Paris, Daevid Allen s’entoura de quelques-uns des meilleurs musiciens de la scène indépendante pour former Gong (le line-up du groupe étant régulièrement bouleversé au cours de son histoire), et Camembert électrique est un disque référence de la première époque de Gong. C’est également le premier “vrai” album du groupe; Continental Circus étant la B.O. d’un film, Obsolete un album de Dashiell Hedayat, Bananamoon un album solo de Daevid Allen, et Magick Brother ayant été co-signé Daevid Allen et Gilli Smyth.
“Tous les ados ont besoin d’avoir un héros, le mien s’appelait Daevid Allen, et il habitait chez moi”
Robert Wyatt
Camembert électrique est un excellent album, et montre que bien avant de devenir une caricature de groupe prog-rock, Gong était un groupe imaginatif d’une qualité indéniable, qui s’aventurait dans la bonne humeur dans des expérimentations musicales inédites. Dès la première chanson (“You Can’t Kill Me”), le ton de l’album est donné: la base rythmique (Christian Tritsch à la basse, Pip Pyle à la batterie) est impressionnante. Sur les chansons rapides (“Dynamite”, “Mister Long Shanks”, “O Mother”), les deux anglais maintiennent le navire à flot, laissant le champ libre au reste du groupe.
Au premier plan, on retrouve bien sûr Daevid Allen, qui chante la grande majorité des morceaux, et qui utilise la technique du glissando (inspirée par Syd Barrett) sur sa guitare électrique pour des solos mémorables (se reporter pour exemple à “Fohat Digs Holes In Space”). Gilli Smyth, la compagne d’Allen, quant à elle, chante (les chœurs et les soupirs) sur tout l’album. Elle utilise sa technique particulière de “spacewhisper” mise au point sur Magick Brother et Obsolete. Dashiell Hedayat avait qualifié ce chant de “wet pleasure shout and intergalactic space-whisper” (et on n’a pas trouvé mieux pour le décrire). Le dernier élément du groupe est peut-être le plus important; Didier Malherbe (aka Bloomdido Bad De Grass). Avant de rejoindre Daevid Allen, et alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, Malherbe avait lui-même formé quelques groupes de jazz à la fin des années cinquante. Il promène son saxo et ses flûtes d’un bout à l’autre de Camembert Electrique: sa virtuosité est hallucinante, et ses improvisations sont un élément indispensable du Gong.
“Bonsoir, c’est une émission planète Gong par Radio Gnome Invisible en direct de la planète Gong”
Si la face A du 33 tours se montre déjà innovatrice et excellente (des morceaux comme “You Can’t Kill Me” et “Dynamite” sont toujours restées parmi leurs chansons en concert), la face B est tout simplement extraordinaire. Les trois chansons, “Fohat Digs Holes In Space”, “Tried So Hard”, “Tropical Fish: Selene” s’enchaînent comme dans un rêve. Solo de guitare, de flute ou de saxo, chant et chœurs qui se répondent à merveille, lignes de basse monstrueuses, batterie impeccable, l’ensemble se met au service des compos (signées Allen, Tritsch et Smyth, très inspirés).
L’année 1971, qui fut la meilleure de Gong en tant que groupe, vit sortir avec l’excellent Camembert Electrique un disque qui sert toujours de référence et qui est devenu mythique pour tous ceux qui l’ont écouté… Pour les autres, il est encore temps de le découvrir.
Liste des morceaux :
1.: Radio Gnome Prediction
2.: You Can’t Kill Me *
3.: I’ve Been Stoned Before
4.: Mr Long Shanks/O Mother I Am Your Fantasy *
5.: Dynamite/I Am Your Animal *
6.: Wet Cheese Delirium
7.: Squeezing Sponges Over Policemen’s Heads
8.: Fohat Digs Holes In Space
9.: And You Tried So Hard *
10.: Tropical Fish/Selene *
11.: Gnome The Second
Quelques vidéos pour écouter Camembert Electrique :
Un petit trip space-rock funky avec le duo “Tropical Fish / Selene”
Vinyle :
L’album et son programme dessiné par Daevid Allen “This is Planet Gong broadcasting…”