(Jagjaguwar 2008)
La pochette, magnifique, annonce la couleur dès le premier coup d’œil : prog ! Avant même qu’on ait posé la grosse galette sur la platine, on sait déjà qu’on n’aura pas droit à un disque de new-rave épileptique. A priori positif, d’autant que le groupe ne nous est pas inconnu : Black Mountain ont pondu en 2005 un excellent premier album à l’ambiance 70s stoner à la Blue Cheer. Ces mêmes barbus canadiens, sous le patronyme de Pink Mountaintops, ont par ailleurs enregistré une paire d’albums tout à fait respectables (notamment Axis Of Evol, album rock psychédélique lo-fi paru en 2006).
In The Future est un album fortement marqué par les nombreuses influences seventies qu’il engloutit. Les morceaux longs, épiques même, ainsi que certains sons de synthé vintage évoquent Pink Floyd période Meddle. L’agressivité et le son puissant des guitares, le chant parfois habité de Stephen McBean, la batterie démente, et l’insistance d’un clavier hammond portent la griffe de groupes heavy-metal de la période charnière 69-71 comme Black Sabbath, Blue Cheer, Pink Fairies ou Deep Purple. In The Future contient aussi de nombreux morceaux folk aux contours psychédéliques dans la lignée du Led Zeppelin de III ou des Pink Fairies. Un album hors du temps donc, porté par des techniques de studio modernes qui lui donnent un son étincelant, et des références éclatantes à un artisanat de la musique abandonné depuis 30 ans. Du progressif régressif en quelque sorte.
La plupart des morceaux ici sont portée par un souffle épique. De “Stormy High” à cet homérique “Bright Lights” long de 17 minutes, Black Mountain partent dans des envolées et des ruptures de rythme qui mettent l’auditeur à genoux. La plupart des morceaux sont bâtis selon plusieurs mouvements : sur “Stormy High”, après un démarrage fulgurant à la Deep Purple, le morceau ralentit et tombe en chute libre par un glissando de guitare terrassant. Le refrain est lancé, conquérant, on a juste envie de monter sur la table et de gueuler “yeah!”. Un des morceaux de l’année.
Dans le même genre, “Tyrants” bascule plusieurs fois : démarrage lourd, rupture soudaine, longue plage éthérée puis le tonnerre. Un dialogue guitare / batterie tourne au pugilat, pour lancer le morceau dans un final apocalyptique… qui s’interrompt à son tour pour glisser une mélodie folk délicate. Il y aurait de quoi perdre le fil mais tout semble pourtant limpide. L’art du contre-pied selon Black Mountain n’est jamais indigeste ou prétentieux (ce qui demeure le gros défaut du rock progressif de manière générale). Le groupe sait s’appuyer sur ses points forts sans chercher à tout prix le spectaculaire.
Pour preuve, la moitié des morceaux de l’album sont ainsi des ballades folk, simplement agrémentées de petites touches et moments de grâce, comme ces pleurs de mellotron à la fin d’ “Angels”, l’ambiance “Space Oddity” de l’agréable “Wild Wind” ou cet ensemble orgue / chœurs féminins toujours efficace qui transforme la douce “Stay Free” en une complainte comateuse digne du “Wild Horses” des Stones. Par contre, la longueur de certains morceaux planants fera fuir les amateurs de punk pur et dur : “Wucan”, “Queens Will Play”, “Night Walks”, excellents morceaux d’ambiance pour soirées défonce, peuvent lasser à jeun. Quant aux 17 minutes de “Bright Lights”, elles peuvent éventuellement servir de test de personnalité : si vous vous surprenez un jour à marmonner “bright lights, bright lights, bright lights…” de façon répétitive dans la rue, vous aurez alors la confirmation qu’un hippie tendance patchouli sommeille en vous (et il ne vous restera plus qu’à vous laisser pousser la barbe et les cheveux longs*). Si vous rejetez en bloc cette montagne russe à forte intensité dramatique (digne du “Celestial Voices” de Pink Floyd), les passages les plus planants de l’album vous feront le même effet et In The Future n’aura qu’un intérêt limité pour vous.
Black Mountain ont crée un album passionnant, blindé de références et de sons splendides, auquel on revient souvent avec toujours le même plaisir non dissimulé. Sensation de puissance, longues plages expérimentales, créativité tous azimuts, cet album est une mine d’or que les fans de Pink Floyd et Black Sabbath apprécieront particulièrement. Retro, certes, mais tellement bon. Black Mountain et son leader Stephen McBean en tête entrent dans la cour des grands.
*(ou vous mettre des fleurs dans les cheveux pour les filles)
Tracklisting :
1. Stormy High *
2. Angels *
3. Tyrants
4. Wucan *
5. Stay Free
6. Queens Will Play
7. Evil Ways *
8. Wild Wind
9. Bright Lights *
10. Night Walks
Vidéos :
“Angels”
“Wucan”
Vinyle :
Une pochette digne des albums prog des années 70.