CRYSTAL STILTS – In Love With Oblivion

Surf on the moon

(Slumberland 2011)

Leur premier album a tourné en boucle pendant des mois sur notre platine, et y revient encore régulièrement. Malgré un concert décevant à la Route du Rock en 2009 où on les avait vus bredouiller leur surfgaze avec un je-m-en-foutisme désespérant, l’attente était immense pour cet album. La raison de cette impatience ? Deux singles fabuleux sortis en 2010 : “Love Is A Wave” et “Shake The Shackles” , qui auguraient d’un album au moins aussi bon que son prédécesseur.

In Love With Oblivion, à la pochette superbe, ne déçoit pas. Dès les premières notes, “Sycamore Tree” emporte l’auditeur de sa ligne de basse hypnotique et de sa guitare western. Le groupe apparaît tel un Sir Douglas Quintet émergeant d’un mirage en plein désert. La tension monte jusqu’à ce que la voix détachée et lointaine de Brad Hargett n’arrive, débitant un texte cyclique tel un mantra (“See the girl in the sycomore tree / She knows she’s looking at me / She follows me into the sea / I wanna know why / I’m wondering why… »). Rien de tel qu’un grand morceau pour ouvrir un album. La suite, bien que plus calme, n’est pas mal non plus. S’appuyant sur un son cristallin de guitare qui trahit une certaine influence du son Paisley Underground, “Silver Sun”, “Flying Into The Sun” et la sublime “Shake The Shackles” frappent par leur évidence mélodique et la maîtrise du groupe.

La force des Crystal Stilts repose sur un équilibre étrange : batterie surf minimaliste (il n’y a qu’à voir le set réduit du batteur sur scène pour en juger), un guitariste qui semble échappé des Electric Prunes, des claviers suraigus qui tapissent une toile sonore, un bassiste discret et un chanteur à la voix étrange, fluctuante, placée en arrière-plan. Cet assemblage hétéroclite est aussi à l’aise sur des ballades pop vaporeuses que sur des titres au tempo enlevé. Dans cette veine, on trouve sur In Love With Oblivion quelques grands morceaux où le guitariste JB Townshend envoie des riffs garage fantastiques (“Blood Barons”, “Invisible City”, “Half A Moon”). Certains morceaux évoquent même le Velvet Underground des débuts, comme “Prometheus At Large” (clavier martelé, batterie de tam-tam, décharges électriques de guitare : Crystal Stilts maîtrisent leurs classiques).

Comme l’indique sa mystérieuse pochette, In Love With Oblivion est un album où les thématiques sont inspirées de l’espace et du vide intersidéral (“Silver Sun”, “Half A Moon”, “Alien Rivers”, “Flying Into The Sun”). Véritable voyage sur la face cachée de la lune, “Alien Rivers” et son riff de basse lancinante, appuyé par la voix désincarnée de Hargett, est un titre envoutant qui évoque les Doors à leur meilleur (on pense aux versions live de “The End” notamment) tout en gardant un côté aérien par ses claviers à la Moon Safari. Un trip de 7 minutes sis au coeur de l’album entre deux escapades surf sur la mer de tranquillité. Un morceau à écouter allongé, les yeux fermés (et de préférence dans un état de conscience altéré) : des bruits d’insectes nocturnes situent l’action en pleine nature, sous une nuit étoilée. La progression lente du morceau, qui s’élève petit à petit, procure au fil des minutes une étrange impression de lévitation chez l’auditeur.

La seule déception de cet album réside en fait en l’absence du single “Love Is A Wave”, voué à rester un titre aussi obscur que génial. In Love With Oblivion est un album différent mais aussi bon que Alight Of Night. Il démontre à quel point Crystal Stilts est un groupe précieux, dont les disques sont à partager et à faire connaître. L’expérience n’est malheureusement pas aussi enthousiasmante en concert – le groupe éprouve quelques difficultés à maintenir l’équilibre fragile de sa double personnalité garage/atmosphérique et oublie parfois tout sens de la mise en place et de la justesse – mais Crystal Stilts ont d’ores et déjà marqué leur époque de deux albums parfaits. Les poseurs aveuglés par les flashes de quelques groupes fluo les découvriront dans vingt ans, ceux qui se fichent de la hype et de la branchitude sauront les apprécier de leur vivant, espérons-le.

 

 

Tracklisting : 

01. Sycamore Tree *
02. Through the Floor
03. Silver Sun
04. Alien Rivers*
05. Half a Moon*
06. Flying Into the Sun
07. Shake the Shackles*
08. Precarious Stair
09. Invisible City 
10. Blood Barons *
11. Prometheus At Large*

  

Vidéos :

“Through The Floor”

 
“Shake The Shackles”
 
 
“Alien Rivers”
 

 

Vinyle :

Crystal Stilts - In Love With Oblivion

 

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1 Commentaire
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Paul
Invité
Paul
3 juillet 2011 2 h 06 min

Les ayant vu récemment jouer à Bordeaux dans une petite cave, je peux dire qu’ils se sont bien améliorés en live, ils ont pu marier l’énergie et le psychédélisme avec une telle efficacité que le
public n’a pas voulu les laisser partir.

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