Kula Shaker Strangefolk

KULA SHAKER – Strangefolk

Lumière intérieure

(Strangefolk 2007)

Huit ans. Certains attendaient ce disque depuis huit ans. Comprenez : Kula Shaker n’est pas un groupe comme les autres. Certes, sa discographie est loin d’être parfaite – les deux uniques albums du groupe avant cette reformation inespérée contiennent leur lot de chansons bancales –, mais peu de groupes des années 90 ont osé aller aussi loin que Crispian Mills et ses sbires.

Entre 1996 et 1999, Kula Shaker s’est jeté à corps perdu dans un rock psychédélique dans la lignée de Traffic, Pink Floyd, The Jefferson Airplane et Eric Burdon & The Animals. Les années passant, l’ambitieux Peasant, Pigs & Astronauts, flingué par la critique a sa sortie, a gagné le statut improbable de “dernier album psychédélique”. Ce disque à la production démente, blindé de riffs mémorables et de ballades indiennes possède un charme indubitable pour quiconque bloque méchamment sur les années 1967 et 68.

La séparation de Kula Shaker fut un immense gâchis, d’autant qu’au tournant du siècle, Mills vivotait avec les Jeevas – un trio garage américanophile – tandis que ses ex-comparses étaient retournés à des emplois de musiciens de studio. Dire qu’on espérait une reformation tient de l’euphémisme. On vit toujours dans ce genre de rêves (certains attendent encore le retour des Stone Roses ou de Led Zeppelin*). Strangefolk arrive deux ans après l’annonce du “retour du roi” (l’EP Revenge Of The King fut en fait la première amorce de ce comeback), le groupe s’étant donné le temps de se roder avant de se lancer dans l’affaire. Bien lui en a pris. On retrouve dans Strangefolk ce qui nous avait plu à l’origine chez ces anglais : un son sixties vintage, une production léchée, des morceaux rock’n’roll axés sur l’imparable duo riff de guitare/orgue hammond (comme l’exceptionnel “Second Sight”) et, surtout, quelques mélodies mémorables. Cela tient du miracle.

Après les chansons de cowboys du second album des Jeevas, on ne savait pas trop à quoi s’attendre. Les premières mesures de “Out On The Highway” sont du genre à rassurer. Le son est simplement énorme. Fuzz, hammond, basse bourdonnante s’associent pour monter un mur de son digne des premiers Verve et envoient un message clair : cet album s’écoute à maximum volume. Derrière, le rifforama de l’année commence : “Second Sight” est le morceau idéal pour célébrer les quarante ans du Summer of Love, avec sa solide attaque de guitare, son orgue phosphorescent, sa ligne de basse mélodique et ce magistral solo de fuzz qui part en fin de morceau. Dans le même style, Kula Shaker sortent de leur poche un “Great Dictator (Of The Free World)” dédié à vous-savez-qui et contenant le refrain le plus drôle de l’année : “I’m a dic…/I’m a dic…/I’m a dictator of the free world“. Les amateurs de Claude Nougaro apprécieront** .

Hormis une paire de morceaux shoegazing où on croise les fantômes du Kula Shaker vaporeux de jadis (“Song Of Love/Narayana”, “6 Ft Down Blues”), le groupe ne donne plus dans la fabrication de murs guitaristiques et s’est découvert un nouveau crédo : les ballades folk parfumées au Nag Champa. Strangefolk est avant tout un album de chansons pop psychédéliques susurrées par un Crispian Mills frappé par la grâce. Kula Shaker lui a permis de retrouver sa muse, il enchaîne les pépites sur la face B du disque.

Dans un registre à la fois proche de Dylan (“I Would Die For Love”, entre “Ballad Of A Thin Man” du Zim et de “I Don’t Wanna Be A Soldier” de Lennon), des Beatles psychédéliques sous influence indienne et de groupes west coast comme The Strawberry Alarm Clock (“Dr Kitt”), les nouvelles chansons de Kula Shaker sont des classiques instantanés. Entre la mélodie McCartneyienne de “Fool That I Am” et l’ambiance nostalgique du duo piano/harmonica de “Shadowlands”, le groupe envoie des directs au cœur comme l’extraordinaire “Hurricane Season” ou ce “Ol’ Jack Tar” à mi-chemin entre “Flying” des Fab Four et “All I Need” de Air – une ballade space-rock dont la recette était perdue depuis 40 ans. Mention spéciale au bassiste dont le jeu hypnotique porte l’album à lui seul. Chaque effleurement de ses doigts sur les cordes provoque un frisson dans la colonne vertébrale.

Avec Strangefolk, Kula Shaker vient de créer un chef d’œuvre de pop psychédélique, leur meilleur album à ce jour. Les chansons sont magnifiques, les arrangements stupéfiants, les paroles… ésotériques évidemment (comme sur “Second Sight”, blindé d’inévitables références à Lewis Carroll). On ne doute pas que certains vont stigmatiser le côté hippie-sur-le-retour de certains textes et qu’ils parleront de musique de baba-cool… Blah-blah-blah, disait l’Iguane. Kula Shaker se situe aujourd’hui dans une situation complètement inverse à celle de la période de la Britpop : ils ne sont pas jeunes, ils ne sont pas cools. Les sixties ne sont pas cool. Les morceaux de bravoure de cinq minutes avec du sitar, de l’orgue hammond et des basses fuzz ne sont pas cool et on ne peut même pas danser sur cet album en boîte de nuit après avoir gobé quelques pilules.

Oubliez les suiveurs de modes et laissez vous envoûter par le folk étrange de Kula Shaker. Cet album est tout bêtement miraculeux

 
Tracklisting

1. Out On The Highway
2. Second Sight  *
3. Die For Love  *
4. Great Dictator (Of The Free World)  *
5. Strangefolk
6. Song Of Love/Narayana
7. Shadowlands  *
8. Fool That I Am
9. Hurricane Season  *
10. Ol’ Jack Tar  *
11. 6ft Down Blues
12. Dr Kitt  *
13. Super CB Operator 

 

Vidéos :

“Second Sight”

 
“Great Dictator Of The Free World”
 

 
Vinyle
 
Ce disque n’a jamais été publié sous ce format. Mais que fait la police ?
 

*(franchement, on préfèrerait revoir Captain Beefheart, Gong, The 22-20s ou les Libertines tiens…)
** (lorsqu’il chantait en 1964 : “je suis bourré, bourré, bourré de bonnes intentions” avec un sens du calembour et du bon mot facile qui force le respect)

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12 Commentaires
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shrees
Invité
shrees
4 septembre 2007 1 h 04 min

ça tourne en boucle chez moi! je n aurai jamais espéré lesz retrouver et voila qu ils reviennent et meilleurs qu avant. Un tres bon album, en tout cas qui restera pour moi dans les meilleurs de 2007

Thom
Invité
12 septembre 2007 5 h 48 min

Quel plaisir de retrouver la planetgong !

Kula Shaker était un des mes groupes favoris à l’époque de leur premier opus, un des trois ou quatre disques au monde dont je peux affirmer les connaître par coeur (bon, il y a sans doute des albums bien meilleurs que celui-ci, mais je n’y peux rien, j’étais jeune). Après j’avoue ne pas avoir été emballé par le second, mais lorsque je l’ai réécouté quelques années après surprise : ça m’a semblé excellent. Comme quoi les goûts changent avec le temps…

J’attendais beaucoup de ce nouveau disque…ton article m’a convaincu de me jeter dessus.

Thom
Invité
18 septembre 2007 4 h 41 min

Oh là oui…sans même le réécouter, rien que de lire “Great Hosannah” ça me rappelle des souvenirs de voyages en bagnole la nuit avec ce titre à fond les boulons…

J’ai jeté une oreille sur le dernier. Trop tôt pour un avis, bien entendu, mais la première impression est excellente. Peut-être effectivement leur meilleur…en tout cas celui où (je trouve) les influences sont le mieux digérées.

synbios
Invité
synbios
30 septembre 2007 2 h 45 min

Groupe découvert grâce à cet article, et effectivement, ça envoie du gros!
Le son est excellent, cet album est une merveille de pop psyché, du coup je me suis précipité sur oute leur discographie.
Merci Planet Gong

Mamycamion
Invité
Mamycamion
13 février 2008 7 h 47 min

Quelle bonne critique pour cet excellent  album!  sur Youtube, taper DRINK TEA. Kula Shaker…une vidéo formidable et un cadeau de fin d’année aux fans…avec George Orwell en prime!

Mamycamion
Invité
Mamycamion
14 février 2008 0 h 44 min

C’est  la voix de Alonza Bevan que l’on entend sur Drink Tea.

nocode
Invité
nocode
24 avril 2008 7 h 23 min

je savais même pas que c’etait possible de faire de la si bonne musique de nos jours!!! a part pearl jam peut-etre…En tout cas, c bon de retrouver les kula shaker.

La Brute
Invité
21 novembre 2008 3 h 45 min

Rock et mauvaise fois : non….. mais…

L’auteur de l’article nous livre honnêtement son ressent mais manque de recul. Strange folk est un chef d’oeuvre MAIS le seul titre qui restera est Narayana ……. Par ailleurs on peut mentionner le caractère “cheap” de la production, par manque de moyens, qui souligne le travail titanesque effectué par B. Ezrin sur Peasant, Pigs and Astronauts… Restent les compos et le talent insolent de Crispian Mills qui rayonne à chaque instant…

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