(Reaction 2006)
Si rien n’est fait rapidement, nous ne serons que très peu dans quelques années à nous souvenir des Special Needs, groupe anglais prometteur explosé en plein vol avant la sortie de son premier album, et candidat sérieux au titre des grands perdants de l’année 2006. La faute incombe aux maisons de disques selon certains, à un management qui n’avait pas foi en eux selon d’autres, à la malchance pour les plus fatalistes. Difficile de se faire une place parmi la meute de groupes apparus dans le sillage des Libertines.
Funfairs & Heartbreak, enregistré en 2005, sorti un an plus tard, est donc le premier et dernier album d’un groupe qui n’existe plus depuis quelques mois. En fait, on n’a eu le droit à sa sortie qu’à la pression incessante d’une fanbase aussi fidèle qu’acharnée, qui a arrosé les forums rock de mp3 du groupe, le rendant assez populaire pour que leur label décide de commercialiser les bandes enregistrées, chose qu’il avait refusé du vivant du groupe. Gâchis? Sans aucun doute. Funfairs & Heartbreak ne mérite pas la sortie confidentielle qui lui est réservée. La presse ne s’intéresse guère aux groupes dont la cadavre est encore chaud. On prêt à parier pourtant que dans 10 ans, on reverra surgir ce disque dans un article consacré aux perles cachées du rock anglais post-Libertines.
Special Needs écrivaient des chansons aux mélodies magnifiques, à mi-chemin entre la pop anglaise de tradition (Kinks, La’s) et celle des Smiths. On pourrait être rebuté par le son sans relief du groupe, de ces basses qui ne claquent pas, de l’impression qu’on a d’entendre une démo… On sent que la plupart des chansons étaient encore en gestation au moment de l’enregistrement. On est frustré par cette sensation d’inachevé car on sent un potentiel monstrueux, un talent brut qui n’a pas été exploité comme il aurait.
On ne peut pourtant s’empêcher d’aimer ce disque au-delà du raisonnable. “Sylvia”, évidemment placé en ouverture, est un des morceaux les plus brillants qu’il nous ait été donné d’écouter cette année. On est saisi dès les premiers chœurs par cette mélodie d’une beauté surnaturelle. La suite de l’album n’est qu’un extravagant enfilement de perles qui pousse l’auditeur à s’interroger sur la santé mentale de ceux qui n’ont pas su faire confiance au groupe. L’excellente “Convince Me” possède un de ces ponts qui remettent une chanson en perspective, on adore la cavalcade loufoque de “Blue Skies” qui tourne à la danse populaire, et l’impersonation de Morrissey de “Gloucester Road” (pourtant la grand-mère à houpette n’est pas notre tasse de thé). “Martin’s A Fix” est un numéro de music-hall déjanté qui collisionne brillament le Paul McCartney de “When I’m 64” et “A Quick One” des Who tandis que “Stick Around” envoie un rock sudiste à en faire pâlir d’envie les Kings Of Leon. On avoue une tendresse particulière pour “The Last Boy On The Swings”, une ballade qui aurait pu figurer sur Something Else des Kinks, un moment de pure magie acoustique.
Chaque chanson est un shoot de bonheur simple. Impossible de ne pas se sentir mal à l’aise à l’issue de l’écoute de ce disque formidablement bien écrit. Il est insupportable de savoir que Special Needs n’existent plus et qu’ils ne défendront jamais leur album sur scène. Quand on sait que le groupe a splitté de dépit parce que leur maison de disque refusait de sortir leur album, on a envie de coller quelques claques aux bureaucrates londoniens responsables de ce meurtre artistique.
Oubliez Maximo Park, Futureheads et tous ces seconds couteaux que le NME essaie de nous vendre avec la complicité des maisons de disque. Cherchez ce disque, insistez auprès des vendeurs Fnac et Virgin pour qu’ils le mettent en rayon, le monde doit connaître les Special Needs. On se prend à rêver que le bouche à oreille aidant, le groupe se reformera, rejouera sur scène et aura à sa disposition les moyens nécessaires pour sortir un nouvel album. Rien n’empêche de rêver, on souhaite sincèrement que ce Funfairs & Heartbreak magnifique ne restera pas l’unique chef d’œuvre des Special Needs.
Tracklisting :
- Sylvia *
- Convince Me
- Town Called Angelica
- Gloucester Road
- Martin’s In A Fix *
- Last Boy On The Swings *
- Blue Skies
- Girl From The Laundrette
- Tarts
- Stick Around *
- A Time To Remember
- Winter Gardens
Le groupe sur MySpace : www.myspace.com/itwasatimetoremember
Vidéos :
Une présentation du groupe
et un morceau qui n’est pas dans l’album “Francesca”