HARLEM – Oh Boy

Tiède

(Female Fantasy 2019)

On les avait adorés sur leurs deux premiers joyeusement déglingués, qui représentaient alors tout ce qu’on aimait : des chansons pop aux textes malins et à l’esthétique lo-fi bricolée. Le groupe mettait un point d’honneur à massacrer ses chansons sur scène dans des performances d’un amateurisme désarmant et parvenait malgré tout à garder toute notre sympathie. Harlem étaient des vrais branleurs, et les meilleurs pourvoyeurs de fun de la fin des années 2000.

Et puis ils ont splitté, du jour au lendemain et se sont lancés dans des nouveaux projets (Lace Curtains notamment pour Michael Coomers) plutôt bien fichus mais moins passionnants. Le temps a passé – une décennie ! – et le nom de Harlem est sorti d’outre-tombe récemment alors qu’on n’espérait plus rien de la part de ces musiciens. 

Le disque qui couronne cette reformation se nomme ainsi “Oh Boy” et arrive précédé de la réputation d’un disque décevant. Les musiciens ont les tempes grises et des moustaches louches, mais au vu des premières images live aperçues sur Youtube, le chaos et la cacophonie semblent toujours être leur marque de fabrique sur scène. Aucune raison d’avoir un avis défavorable, bien au contraire.

Quid de l’album alors ? Il faut reconnaître que l’étincelle n’est plus là. Ce grain de folie qui faisait qu’on était prêt à suivre les comparses dans leurs délires est absent. C’est un véritable drame : Harlem sont devenus adultes. L’histoire du rock nous a pourtant montré à maintes reprises que des groupes étaient capables de revenir après une longue séparation et montrer un nouveau visage séduisant. On pense aux Feelies, à Blur, qui ont su se réinventer en douceur et n’ont jamais tenté de mentir sur leur âge.

Dans l’absolu, cet album de Harlem n’a rien de catastrophique. C’est un disque de pop douce, sous influence Velvet Underground (période Doug Yule), qui prodigue une dizaine de chansons éthérées où l’accent est plus mis sur les mélodies que sur les arrangements ou l’interprétation. Sur quelques titres finement exécutés tels “Queen Of The Mosquitos” ou la magnifique “Click Your Heels”, ça fonctionne plutôt bien, mais dans le contexte actuel, un groupe tel que Proper Ornaments fait beaucoup mieux avec la même économie de moyens.

Sans surprise, Harlem retrouve de sa vigueur quand le tempo s’accélère un peu et lance quelques vannes, comme sur “All Men Are Dogs”. Le groupe sait groover sur “Swervin’”, un des meilleurs moments du disque (qui rappelle presque trop le T-Rex soyeux de “Cosmic Dancer ” pour être honnête) mais dieu que tout cela manque de nerf et d’inventivité. La première face de l’album se montre sans grand intérêt avec un trio de morceaux tristounets : “Smoke And Mirrors” poussif, “Dreams Is Destiny” insipide, “Lana” soporiphique .

Heureusement, la deuxième partie du disque décolle un peu, notamment avec la funky “Blonde On Blonde” (dont le titre attrape-couillon-dylanophile n’est clairement pas à la hauteur du morceau) puis cette succession de mélodies bien troussées :”Click Your Heels”, “Oh Boy” et “Elegant And Sophisticated” . Dans ce dernier morceau, le groupe chante : “I don’t believe in the Beatles, I just know Paul is dead”, qui fait à la fois une référence à “God” de John Lennon à la rumeur de la fausse mort de Paul McCartney en 1966 et à “Should’ve Shot Paul” des regrettés Strange Boys. Un des rares clins d”oeils amusants de cet album qui manque singulièrement de folie.

Car c’est en cela que cet album est finalement le plus décevant. On pourra toujours regretter le manque d’énergie de l’affaire, où l’absence de pistes aussi marquantes que “Someday Soon” ou “Gay Human Bones”, chansons qui partaient dans détours mélodiques étonnants. Ce qui frustre le plus ici, c’est que tout est lent, posé, propre. rien ne transfigure de la personnalité fantasque du Harlem de Hippies. On aurait sans doute préféré un plantage dégueulasse à cette collection de chansons agréables mais terriblement tièdes. “Oh Boy” n’a rien du désastre annoncé, mais c’est un album horriblement générique. C’est peut-être ça le pire.

 

Tracklisting

  1. All Men Are Dogs
  2. Smoke In Mirrors
  3. Dreams In Destiny
  4. Swervin’ *
  5. Lana
  6. Click Your Heals *
  7. Elegant And Sophisticated
  8. Blonde On Blonde *
  9. Cry Now Cry Later
  10. Oh Boy
  11. Me And The Boys
  12. Queen Of Mosquitos *

 

Vidéo

“Smoke In Mirrors”

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1 Commentaire
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The PRIMITIF
Invité
The PRIMITIF
12 avril 2020 21 h 29 min

Bonjour ,Tout d’abord en cette période de rétention administrative cela fait du bien de recevoir dans sa boite aux lettres électroniques un courrier de PLANET GONG ! Donc ,mille fois merci pour l’envoi de cette chronique et pour cette POP
douceâtre …

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