(Rough Trade 2023)
Que Parquet Courts ne soit pas devenu un des plus grand groupes rock au monde reste un mystère qu’on est bien en peine d’élucider.
On se souvient en 2017 que le premier (magnifique) album d’Andrew Savage, Thawing Dawn, avait déjà suscité des rumeurs de séparation du groupe basé à Brooklyn, mais le quatuor avait formidablement rebondi l’année suivante avec Wide Awake! (leur chef d’oeuvre ?) puis le très bon Sympathy For Life en 2021. Several Songs About Fire arrive alors qu’on n’avait plus trop de nouvelles du groupe depuis quelques temps. Il se disait qu’Andrew Savage avait fui. Et voici qu’on le retrouve en Angleterre, à la campagne, en compagnie de musiciens de grande valeur, dont le génialissime et sous-estimé Jack Cooper (croisé chez The Beep Seals, Mazes et surtout Ultimate Painting) et la non-moins brillante Cate Le Bon.
Son premier album solo était l’histoire d’une échappée, une bouffée d’ oxygène loin de son groupe pour donner vie à des chansons que ses camarades n’avaient pas trouvé à la hauteur ou d’une couleur qui ne seyait pas avec l’œuvre du groupe. Un bel album qui avait permis à Savage de mettre en valeur ses talents de songwriter et dont l’aura augmentait au fil des années au point de faire l’objet d’ un petit culte de la part des fans du groupe.
Several Songs About Fire est un projet plus mur, plus abouti, conçu avec un début et une fin, alors que Parquet Courts faisait une pause. Le groupe avait vécu un confinement à contre-temps de ses congénères : au plus gros de la dépression, quand tout le monde proposait des disques introspectifs marqués par la solitude et la difficulté de faire face aux évènements du monde, le groupe livrait Sympathy For Life, disque festif à contre-courant de ce qui se faisait à l’époque, mais paradoxalement, le genre de disque dont le monde avait besoin : dansant, exubérant, positif.
En réalité, si Sympathy For Life allait à contre-courant du misérabilisme confiné, c’est parce qu’il avait été conçu et enregistré avant, et Several Songs About Fire est le véritable disque de confinement d’Andrew Savage, écrit en février 2020 alors qu’il venait de rentrer d’Angleterre après l’enregistrement de Sympathy For Life avec John Parish. Sortant de cette bulle hors du monde, Savage a alors été confronté de plein fouet à la crise du covid. Deux ans plus tard, quand le monde s’est remis en marche, et après avoir assurée la tourné promotionnelle de Parquet Courts, Savage a décidé de prendre l’air et de s’éloigner les Etats-Unis.
Cela a commencé par une tournée solo minimaliste, ouvrant seul à la guitare pour son amie Cate Le Bon, à l’ancienne, en folksinger façon Bob Dylan ou Fred Neil. Une bouffée d’oxygène qui lui a permis de finaliser les chansons qui allaient composer Several Songs About Fire. Poussé par Cate Le Bon et de son groupe, Andrew Savage a succombé à la pression amicale et s’est remis en tête de faire un deuxième album solo. C’est ainsi qu’il est allé à Bristol enregistrer avec John Parish un album étonnamment bucolique où les guitares acoustiques mènent la danse et où, peut-être pour la première fois, il chante véritablement.
Several Songs About Fire est disque de songwriter qui emporte par la pureté de ses mélodies et la finesse de ses arrangements. Un genre d’album intemporel où tout paraît évident, de la quiétude presque bossa nova de “Le Grande Balloon” à la pop électrique de “Elvis In The Army”, en passant par la ballade mélancolique “Mountain Time”. C’est un album de rupture, avec la ville, avec son pays d’origine, son besoin de changer d’air, de découvrir une autre vie en déménageant en Europe. Une chanson telle que “Riding Cobbles” parle directement de cette vision idéalisée et pleine d’espoir, du fait d’échapper au stress urbain.
On le savait futé, capable d’écrire des textes malins sur des chansons post-punk bien troussées, tout en livrant de temps en temps une ballade pop fulgurante de beauté. Andrew Savage fait étalage ici de son talent de mélodiste dans une variété de contextes rock (“David Is Dead” qui parle du décès d’un ami proche à Brooklyn, réflexion magnifique sur le temps qui passe) et folk (mélancolique “Hurtin’ Or Healed”, sublime “Thanksgiving Prayer”) et fait mouche à chaque fois. Grand disque.
Tracklisting
- Hurtin’ Or Healed
- Elvis in the Army *
- Le Grand Balloon *
- My My My Dear
- Riding Cobbles
- Mountain Time *
- David’s Dead *
- Thanksgiving Prayer *
- My New Green Coat
- Out of Focus
Vidéos
“Elvis In The Army”
“David’s Dead”
“Thanksgiving Prayer”
