(sortie originale – 1977)*
Depuis la fin des années soixante s’est développée en Allemagne le “Krautrock”, un genre musical issu des influences de la musique psychédélique sixties, de la musique expérimentale et des innovations technologiques (sous l’appellation “Krautrock”, on rassemble des groupes comme Can, Aamon Duul II, Neu! et Tangerine Dream). Kraftwerk est l’un des groupes les plus importants à être sorti de cette scène (et certainement le plus influent dans le développement des musiques électroniques). L’album Trans-Europe Express, qui sort en pleine période punk, est un des meilleurs albums de Kraftwerk… Certains lui préfèrent le plus « pop », The Man-Machine (1979), ou l’excellent Radioactivity (1975), et même parfois Autobahn (1974), le premier grand disque du groupe.
Ce disque peut être considéré comme un concept-album, bâti autour d’un thème principal, le Trans-Europe Express (une organisation ferroviaire fondée en 1954 par les sept administrations de chemins de fer les plus importantes d’Europe), et dont la ligne traversait l’Europe de part en part… Ce voyage est l’occasion pour le groupe de traiter deux principaux sujets : le premier concerne les différences entre la réalité et les images que celles-ci renvoie (les morceaux « Hall of Mirrors » et « Showroom Dummies » proposent les mêmes métaphores sur les illusions, les reflets, le verre, la recherche d’identité). Le second sujet de l’album consiste en un plaidoyer en faveur de l’Europe (sur « Europe Endless » : « Promenades and avenues / Europe endless / Real life and postcard views / Europe endless / Elegance and decadence ».
Trans-Europe Express est un album lancinant à l’unité évidente (d’une chanson à une autre, reprise des thèmes par la musique et / ou par les paroles). La pertinence du disque est due à plusieurs éléments ; certains peuvent varier selon la sensibilité de chacun, mais d’autres sont absolument indéniables. Les sons futuristes (« futuristes » pour les années ’70) de l’album, qui est co-produit par les deux membres « phares » du groupe, Florian Schneider et Ralf Hütter, procurent au disque un charme désuet mais évident. L’ampleur du son est impressionnante : l’écoute au casque est une expérience unique ; chaque couche sonore prenant alternativement le premier plan, puis s’effaçant peu à peu. L’auditeur se trouve face à des chansons denses et profondes, dont la musique est entièrement « synthétisée » par électronique, mais qui reste néanmoins toujours sous le contrôle de ses créateurs.
En effet, Kraftwerk est parvenu avec Trans-Europe Express à composer un album dont la richesse et l’efficacité sont enviées par la plupart des artistes – électroniques et autres. La construction de chacun des morceaux de l’album est absolument implacable : chaque refrain de « The Hall of Mirrors » est l’occasion d’une gradation, par la musique aussi bien que par le texte : « Even the greatest stars discover themselves in the looking glass ». La structure de la phrase reste la même, et seul le verbe change : « find their face », « dislike themselves », « change themselves », et enfin « live their lives ». A l’image de la chanson-titre, le morceau « Showroom Dummies » est exemplaire de l’album : sur une musique mécanique et répétitive, les voix synthétisées de Hütter et Schneider racontent l’histoire de mannequins qui prennent vie. La mélodie minimaliste et le rythme hypnotique se combinent parfaitement : les textes, qui sont aussi réduits que possible, donnent à la phrase récurrente « we are showroom dummies » une importance particulière (telle un mot de passe réservé à quelques initiés, cette phrase gardera une place unique dans l’esprit de chaque auditeur, longtemps après l’écoute du disque).
Trans-Europe Express est aujourd’hui justement considéré comme un des grands albums de la décennie ’70. Il est le disque de Kraftwerk le plus accessible – moins dansant que les albums postérieurs, plus efficace que les précédents. Il reste encore l’objet de nombreuses reprises, et un passage indispensable à la mise en perspective de la scène électronique contemporaine.
* Les indéfectibles puristes privilégient pour l’écoute des albums de Kraftwerk la version originale (en allemand) ; pour cet album : Trans-Europa Express (avec comme titres de morceaux « Europa Endlos », « Spiegelsaal », etc.). Le groupe avait pour habitude de sortir ses disques en deux versions : l’une en allemand, l’autre en anglais. Il existe même une version en français de la chanson « Showroom Dummies » (« Les mannequins »), sortie en single en France (probablement en ’77) que PlanetGong recommande particulièrement.
Tracklisting :
1- Europe Endless (9:40) *
2- Hall of Mirrors (7:54)
3- Showroom Dummies (6:13) *
4- Trans-Europe Express (6:52) *
5- Metal on Metal (6:43)
6- Franz Schubert (4:26)
7- Endless Endless (0:55)
Vidéo :
“Trans-Europe Express”
Vinyle :
La version française de l’album propose une traduction de “Showroom Dummies” dans la langue de Molière, nommée “Les Mannequins”.