(RCA 1971)
Hunky Dory est peut être le disque le plus important de l’exceptionnelle discographie de David Bowie.
Troisième album officiel de l’artiste – sous ce patronyme en tous cas – celui-ci marque la première collaboration entre le chanteur et Mick Ronson, guitariste surdoué originaire de Hull. Entièrement arrangé par ce dernier, Hunky Dory bénéficie aussi de la présence d’excellents musiciens comme le futur Yes Rick Wakeman et ceux qui deviendront l’année suivante les Spiders Of Mars (Trevor Bolder à la basse et Woody Woodmansey aux futs), le monstrueux groupe de scène de l’alter-ego de Bowie, Ziggy Stardust.
En 1971, David Bowie possède encore les cheveux longs et ne se trimballe pas en costume de transsexuel de l’espace, mais il détient déjà avec Hunky Dory la formule gagnante, celle qui le fera passer à la postérité. Peu importe s’il n’atteindra pas la reconnaissance immédiate et la célébrité avec cet album, il en aura déjà semé les graines… Difficile de parler de cet album sans verser dans le lyrisme ou l’éloge aveuglé : les chansons ici sont toutes magnifiques et possèdent un cachet unique.
De l’intro de saxophone de “Changes” à la descente sépulcrale de “The Bewlay Brothers” on se laisse porter par un courant de mélodies plus belles les unes que les autres. Au cœur de cette collection, “Life On Mars”, sorte de “Space Oddity n°2” – une ballade mélancolique portée par un piano doux, un violoncelle menaçant et des violons virevoltants qui s’achève avec des percussions tribales en forme de clin d’œil à “Ainsi parlait Zarathoustra” de Strauss (et par exension 2001, Odyssée De L’Espace de Kubrick) – demeure un monument insurpassable… mais que dire de “Kooks” ou de “Quicksand”? La première, dédiée à sa fille Zowie, est une ballade folk à la mélodie immédiate qui touche l’auditeur au plus profond de lui-même. La seconde, sinueuse, glace le sang par ses paroles désespérées et sa tristesse insondable.
Bowie dévoile durant Hunky Dory les multiples facettes de son génie, oscillant entre narration tragique (l’autobiographique “Bewlay Brothers”), légèreté music-hall (“Fill Your Heart”, le genre de truc qui ne peut qu’être écrit par un anglais), ballade au piano (la magique “Oh, You Pretty Thing”) avec une aisance désarmante. Au sein de cet album au romantisme exacerbé, on surprend même David Bowie se livrer à d’étonnantes confessions. “Song For Bob Dylan” et “Andy Warhol”, deux odes sincères à ses idoles sont touchantes de naïveté. Leur texte prête aujourd’hui à sourire mais leurs mélodies persistent. Elles témoignent surtout de l’absence de voile de David Bowie à cette époque.
Hunky Dory montre son auteur sans fard, plus sincère que jamais. Dès l’album suivant, il se créera un alter ego pour mieux se préserver, et n’aura cesse de se réinventer. Plus jamais on ne reverra ce Bowie fragile et délicat.
Tracklisting :
1 Changes *
2 Oh! You Pretty Things
3 Eight Line Poem
4 Life On Mars? *
5 Kooks *
6 Quicksand *
7 Fill Your Heart
8 Andy Warhol
9 Song For Bob Dylan
10 Queen Bitch
11 The Bewlay Brothers *
Vidéos :
“Life On Mars”