(RCA/Victor ; 1972)
Enregistré à Londres et produit par Richard Robinson et Lou Reed lui-même, ce disque aujourd’hui laissé de côté mérite d’être écouté et considéré à sa juste valeur.
Il est évident que son ignoble dessin en couverture à la symbolique subtile (« Here comes the ocean ») n’a pas fait beaucoup pour appâter le chaland depuis une quarantaine d’années. Si, par une heureuse coïncidence, vous n’avez aucun jugement pictural préconçu et que vous ne soyez pas sujet à des crises d’épilepsie, vous pouvez contempler quelques minutes la pochette susmentionnée et vous laisser aller à la rêverie qui ne manquera pas de vous transporter vers un ailleurs probablement féérique (ou pas). Si vous avez les yeux sensibles, balancez la pochette aussi loin que possible et posez le disque sur votre platine afin de vous occuper de ce qui est vraiment intéressant : la musique elle-même.
Lorsqu’elle n’est pas occultée par les thuriféraires du Velvet Underground, la carrière solo de Lou Reed est le plus souvent considérée par le biais de deux prismes. Le premier ne s’intéresse qu’aux disques les plus connus : Transformer, New York, Metal Machine Music, éventuellement Rock’n’Roll Animal pour les décomplexés du solo de guitare. Le second suit aveuglément les délires du Maître qui explique à chaque nouvelle sortie avoir composé ses meilleures chansons et enregistré son meilleur album… Que vous apparteniez à l’une des catégories précédentes ou non, il est quasiment certain que vous connaîtrez un nombre important des chansons de ce premier album ; en effet, huit des dix pistes de ce disque ont été publiées (après la sortie du disque) sur différents disques du Velvet Underground (à titre d’exemple, cinq de ces morceaux apparaissent – dans d’autres versions – sur l’exceptionnelle réédition « Fully Loaded » que Rhino Records a consacrée à l’album Loaded).
Le timbre caractéristique et la scansion blasée de Reed sont deux composantes importantes de ses chansons ; il faut cependant remarquer que Lou Reed apparaît sur ce disque plus concerné que sur bien d’autres de ses chansons : « Lisa says », construite en trois étapes, montre un chanteur très appliqué. C’est encore le cas sur « Berlin », une chanson conduite par le piano et qui bénéficie d’arrangements surprenants en fin de piste. « Wild Child » est une longue chanson sur laquelle Lou Reed livre une des histoires qui occupaient son esprit ; le groupe qui l’accompagne s’y montre très précis, sans être très imaginatif ou renversant : la facture du morceau est somme toute assez classique, mais convient parfaitement à la chanson.
Ailleurs, la chanson « I can’t stand it » se voit dotée de chœurs peu convaincants et de quelques solos de guitare longuets – typiques de certains errements de leur époque, et qui ont malheureusement fait école. Les mêmes lourdeurs réapparaissent ici ou là dans ce disque, pour quelques secondes seulement heureusement (par exemple sur « Ocean » et « Going down »). Quels que soient les artifices de production utilisés sur de disque, la classe et l’inspiration de Lou Reed sont évidentes d’un bout à l’autre de l’album. « Walk it and take it » et « Ride into the Sun » restent des morceaux mineurs au regard de ce que Lou Reed a écrit de meilleur, mais n’ont rien de honteux et se révèlent en fin de compte assez attachantes.
Entre étrangetés, redécouvertes et surprises, que retenir de ce Lou Reed, et où le situer dans la carrière du plus célèbre des chanteurs de rock new-yorkais ? Le bilan est somme toute assez simple : aucune mauvaise chanson, quelques grands morceaux et de belles curiosités… Ce disque est un excellent album et une démonstration supplémentaire de l’exceptionnel talent de Lou Reed.
Liste des chansons :
- I can’t stand it
- Going down
- Walk and talk it
- Lisa says *
- Berlin
- I love you *
- Wild child *
- Love makes you feel
- Ride into the Sun (Reed/Cale/Morrison/Tucker)
- Ocean *
Vidéo :
“Ocean”