(Empty Cellar / Castle Face 2014)
L’écoute d’un album de Dylan Shearer est toujours déroutante. Dès les premières secondes, la voix enveloppante et les arrangements cotonneux saisissent l’auditeur pour le projeter dans une angoisse profonde. On ne sait trop pourquoi, mais Dylan Shearer met toujours un peu mal à l’aise.
Bien sûr, quand on met son disque sur la platine, le son qui sort des enceintes de la chaîne est magnifique. Les mélodies de Dylan Shearer sont envoûtantes et d’une pureté troublante, mais l’interprétation qu’en fait le chanteur peut s’avérer anxiogène. On est clairement en train d’écouter la complainte d’un musicien saisi d’une profonde tristesse et qui recherche chaleur et réconfort auprès de sa muse.
Eprouvant et sublime à la fois, Garagearray contient des chansons mélancoliques qui s’écoulent si lentement qu’elles flirtent parfois avec une forme d’apathie. Heureusement, en leur coeur se trouve des mélodies bouleversantes que Shearer marmonne devant des arrangements feutrés. On retrouve chez lui la grâce aérienne de Robert Wyatt, ces moments en suspension où on perd toute notion de temps et de rythme, et toujours cette interprétation sombre à la Syd Barrett qui nous avait déjà intrigué à l’époque de Porchpuddles. Le groupe paraît hanté, presque spectateur, et suspendu au même titre que l’auditeur au fil ténu de ces mélodies changeantes qui se dévoilent peu à peu, telles les fleurs qui s’ouvrent au ralenti dans les documentaires botaniques. On a souvent du mal à croire que c’est Petey Dammit (Thee Oh Sees) et Noel von Harmonson (Comets On Fire) qui tiennent la rythmique de ce groupe si effacé.
Maintenir l’auditeur intéressé avec des chansons aussi monotones tient de la performance. Si Shearer y parvient, c’est que régulièrement, au détour d’un changement d’accord ou d’une variation rythmique, se produisent des moments de grâce aussi sublimes qu’inattendus. Cela tient à la personnalité énigmatique de Dylan Shearer, génie timide dont on ne sait que peu de choses malgré trois albums, et dont les quelques témoignages vidéo sur Youtube ne font qu’ajouter au mystère.
Souvent, on a véritablement l’impression qu’il divague et tombe par accident sur un passage mélodique renversant (comme sur “Time To Go” ou “Garagearray Lookout”). Ce sont ces moments qui font de Garagearray un disque auquel on revient souvient, car il réserve toujours des surprises, même après des dizaines d’écoutes.
Tracklisting :
1. Time to Go *
2. Meadow Pines (Fort Polio) *
3. Encore Door (The Validity in Dying)
4. Garagearray Lookout *
5. Baggage Claim
6. One Fine Day (In Pictures)
7. Everyone Accept You
8. Before You Know It (It’s Over) *
9. Barely by the Waterside
10. Mold in the Fold
11. Tough on Grease (Carillion)
En écoute :
Vidéo :
“Before You Know It (It’s Over)”
Vinyle :