(Deltasonic 2010)
Premier album depuis le départ du guitariste Bill Ryder-Jones, Butterfly House était attendu avec beaucoup d’appréhension par les fans du groupe anglais le plus doué (et prolifique) de la décennie passée.
Il faut dire que les premiers extraits disponibles sur internet avaient semé le doute : production pleine d’écho, voix du chanteur en retrait, chœurs proéminents à la Crosby, Stills & Nash… le groupe avait quelque peu changé d’identité. A la longue le morceau “Butterfly House” a fini par convaincre avec sa mélodie cristalline et son pont superbe, mais “1000 Years” sonne toujours désespérément comme une face B des Aliens, un truc planant facile à siffler mais manquant de profondeur. Si les morceau censés aguicher peinaient à nous rendre heureux, qu’en serait-il de album ?
Butterfly House arrive dans un contexte de reconstruction après un album diversement apprécié (Roots & Echoes, qu’ici on avait beaucoup aimé) et un best of qui leur a permis de solder le passé et de repartir d’un bon pied. Ryder-Jones out, c’est désormais le discret Lee Southall qui s’acquitte de toutes les tâches guitaristiques. La différence est flagrante : plutôt que de chercher à singer le son psychédélique distinctif de Ryder-Jones (reconnaissable sur “Goodbye”, “Bill McCai” ou “Arabian Sands”), Southall s’est appliqué à développer son style tout en arpèges acoustiques. Le son de The Coral s’en trouve profondément modifié, d’autant que le groupe s’applique désormais à faire des harmonies qui donnent un aspect bucolique à l’album (faut-il y voir l’influence de groupes folk psyché en vogue comme les Fleet Foxes ?). Dernier aspect important côté son : le groupe a confié les clefs de l’album à John Leckie, responsable du premier album cotonneux des Stones Roses, de nombreux classiques britpop (K de Kula Shaker, Ladies & Gentlemen… de Spiritualized) et l’infâme Origin Of Symmetry de Muse. Un mec connu pour sa production mainstream sans originalité, avec une certaine tendance pour la surenchère. Pas spécialement ce qu’on aurait souhaité pour la délicatesse The Coral.
Après des dizaines d’écoutes et d’innombrables tentatives d’auto-conviction, le verdict demeure sans appel : Butterfly House est à ce jour l’album le plus faible de The Coral. Attention, on n’a pas dit que cet album est mauvais – il se situe largement au dessus de la concurrence – mais il est en deçà de nos espérances, toujours très grandes lorsqu’il s’agit des scousers. Le premier écueil provient évidemment du son et de cet écho omniprésent qui agace et vient gâcher la plupart des morceaux, surtout les titres aux contours psychédéliques comme “Roving Jewel” ou “Two Faces”, complètement aseptisés ici. On aurait préféré un son plus brut, plus direct comme à l’époque de Nightfreak ou du premier album. L’excentricité sixties de The Coral a désormais complètement disparu, tout comme le clavier de Nick Power, constamment en arrière-plan, qui traverse l’album comme un fantôme (alors qu’il est un des leaders du groupe, co-auteur de l’essentiel du répertoire de The Coral avec le chanteur James Skelly).
Une fois cette donnée assimilée, il faut se rendre à l’évidence : beaucoup de morceau ici donnent l’impression d’avoir été déjà entendus. “Walking In The Water” est une relecture “Leizah” de Magic & Medicine, “Sandhills” refait “In The Morning” de The Invisible Invasion , “Green Is The Colour” rappelle “Jacqueline” de Roots & Echoes et “She’s Coming Around” s’inspire librement de “Mr Farmer” des Seeds. Que retenir de cet album alors ? D’abord que la qualité générale est tout de même excellente, et devrait amplement satisfaire les néophytes. D’autre part, l’espace de quelques morceaux, The Coral nous rappelle pourquoi il est un groupe à part, avec “Coney Island” et son ambiance intrigante, “Butterfly House” et sa mélodie parfaite et “Rowing Jewel”, dont la production ne parvient pas à atténuer le propos.
Si on s’arrête aux douze morceaux de l’album, Butterfly House est ainsi une déception, sans être un naufrage total. Une donnée importante peut néanmoins altérer cette perception. Le marché du disque étant une belle saloperie, une version limitée de l’album existe, contenant cinq morceaux supplémentaires, tous inédits. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le disque bonus est meilleur que l’album. On y entend le groupe débarrassé des effets de studio qui nuisent à l’album, jouant des ballades folk d’un classicisme incroyable. “Into The Sun” et “Another Way” sont superbes, dans un style dépouillé évoquant Ram de Paul McCartney et “Dream In August” pourrait figurer sur le premier album de Crosby, Stils & Nash. Mieux, “Circles” est un de ces morceaux insaisissables qui ont fait de The Coral le groupe le plus fascinant des dix dernières années, un chef d’œuvre de pop psychédélique, sombre et mélancolique. Le fait que ces morceaux ne figurent pas dans l’album officiel reste un mystère car leur présence rend Butterfy House autrement plus intéressant. On conseillera donc de se procurer cette version plutôt que la classique, car ce disque supplémentaire (tout comme “The King Has Died”, la superbe face B du single “1000 Years” dont on n’a pas parlé ici) est plutôt porteur d’espoir : The Coral savent encore faire des grands morceaux, mais ils les publient sur des faces B et disques bonus.
Tracklisting :
- More Than a Lover
- Roving Jewel *
- Walking in the Winter
- Sandhills
- Butterfly House *
- Green Is the Colour
- Falling All Around You
- Two Faces
- She’s Coming Around
- 1000 Years *
- Coney Island
- North Parade (After the Fair)
Titres bonus :
- Into The Sun *
- Coming Through The Rye *
- Dream In August
- Another Way *
- Circles *
Vidéos :
“1000 Years”
Vinyle :
Comme d’habitude, le design de la pochette est signé Ian Skelly. La pochette intérieure contient les textes des chansons.