(Atco 1967)
Le nom de Sonny Bono n’évoque aujourd’hui sans doute pas grand-chose aujourd’hui au grand public, pourtant ce musicien tombé dans l’oubli aujourd’hui demeure une icône des années soixante aux multiples hits en duo avec sa compagne Cherilyn Sarkisian, alias Cher.
Connus sous le nom de Sonny & Cher, le couple est surtout connu pour son tube couillon “I Got You Babe” ou encore “The Beat Goes On“, classiques de pop taillée pour le grand public. Bono était ce chanteur nasillard à la coupe au bol qui souriait béatement aux déhanchements de la grande tige à voix grave. Un mec aimable, biberonné au son de Phil Spector (dont il fut un moment l’assistant), qui possédait une certaine science des arrangements mais, à l’inverse de Lee Hazlewood ou Burt Bacharach, Bono n’a jamais connu sa rédemption tardive auprès de la critique.
Pourtant l’homme est l’auteur de quelques chanson mémorables, tel “Needles & Pins” des Searchers, co-écrit avec Jack Nitzsche ou encore “She Said Yeah”, immortalisé par les Rolling Stones. Il est également l’auteur d’un album étonnant publié en 1967 au cœur du fantasmagorique Summer of Love, que les amateurs d’étrangetés psychédéliques aiment à chérir. Inner Views est l’unique album solo de tout la carrière de Sonny Bono (qui s’arrêta quasiment en même temps que son mariage avec Cher en 1975). Violemment ringardisé par l’arrivée de la culture hippie, Sonny & Cher peinaient à trouver un second souffle en 1967. Leur duo gentillet n’excitait plus les foules et Cher commençait à bâtir une carrière solo à succès. Quand Bono publia Inner Views, elle avait déjà quatre (!) albums à son actif, certes produits en écrits par Bono, mais le chanteur aspirait à retrouver lui aussi le succès. C’est ainsi qu’il publia cet album étrange, manifestement guidé par l’air du temps… et complètement à côté de la plaque.
Bono – souvenez-vous, gentil chanteur de variété un peu niais – y tente le grand saut psychédélique. Le premier titre de l’album “I Just Sit There” est ainsi un trip de 13 minutes porté par une ligne de basse tournoyante et illuminé de sitars omniprésents. Chantant avec le nez pire qu’un Dylan enrhumé, Bono y tente mille références hip qui tombent complètement à plat (comme ce “I read the news today, oh boy” qui revient plusieurs fois) mais parvient on ne sait trop comment à emporter le morceau. Est-ce le groove irrésistible ? Le déluge d’explosions sitaristiques ? La conviction incroyable qu’il met à chanter ces inanités ? La descente du refrain qui s’incruste dans le cerveau pour réapparaître sous la douche ou quand on fait la vaisselle (bref, dès que de l’eau coule) ? Tous ces détails font que les 13 minutes de ce titre s’évaporent en un rien de temps, et que la tentation de le remettre en boucle se fait sentir.
Evidemment, le reste de l’album est absolument abominable, mais Inner Views a le mérite de ne comporter que cinq morceaux en tout. On a droit avec “I Would Marry You Today” à une ballade cheesy aux arrangements un peu trop larmoyants. Bref, du McCartney ou du Harry Nilsson, mais sans la voix ni la délicatesse. “My Best Friend’s Girl Is out Of Sight” tente de sonner comme du Stax mais s’apparente plus à numéro de music-hall à cause de l’omniprésent grand orchestre. Quand à “I Told My Girl To Go Away”, chanson douce teintée de sitar, sa position immédiatement postérieure au tourbillon “I Just Sit There” la condamne à la débandade. L’album se conclut sur un titre parfaitement grotesque – et conséquemment fabuleux. “Pammie’s On A Bummer” se veut un morceau contemplatif, un sorte de freak out mystique mais se noie dans le sérieux de paroles risibles.
De fait, Inner Views est l’album d’un seul morceau, ce “I Just Sit There” qui ne ressemble à absolument rien d’autre que ce que Sonny Bono a produit de toute sa carrière. Un accident heureux magnifique, à ranger à côté du “Journey To The East” de Bill Plummer et “Just Dropped In” de Kenny Rogers. Un des plus beaux craquages des années 60.
Tracklisting
Face A
1. I Just Sit There *
2. I Told My Girl To Go Away
Face B
1. I Would Marry You Today
2. My Best Friend’s Girl Is Out Of Sight
3. Pammie’s On A Bummer
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