(1967 ; RCA Victor)
Aucun disque ne résume mieux que Surrealistic Pillow la scène de la côte ouest nord-américaine des années soixante. Aujourd’hui, cet album est considéré comme un classique : au-delà de ses qualités, il a eu la chance de sortir au moment parfait (février 1967, quelques mois avant le « Summer of love »), à l’endroit où il fallait – pour décrire le son de San Francisco, on ne peut pas non plus trouver mieux. Le disque, à l’image de la scène dont il est issu, est pourtant loin d’être parfait : il a de grands moments, mais aussi des faiblesses.
Les influences sont tangibles sur certains morceaux du disque : quelques uns sont à classer dans la lignée folk-rock dont les bases avaient été posées par Dylan et les Byrds. Ces pistes, parmi lesquelles « My Best friend » et « Today », font place à des morceaux plus aventureux, dont quelques titres psychédéliques intouchables. Les deux chansons que Grace Slick a apportées sont sans conteste parmi les meilleures de l’année (avant de rejoindre le Jefferson Airplane, elle était la chanteuse du groupe The Great Society). « Somebody to love » et « White Rabbit » sont deux des grands moments du disque : le chant de Slick éclatant véritablement au-dessus de la musique du groupe. La voix de Grace Slick reste la plus représentative du mouvement de contre-culture de Haight-Ashbury, le quartier de San Francisco vers lequel tous les regards se sont tournés à l’été 1967. Son arrivée dans l’album transfigure littéralement le groupe : par ces premières lignes, elle envoie le Jefferson Airplane dans la catégorie des grands : « When the truth is found to be lies / And all the joy within you dies / Don’t you want somebody to love ?». Le son est impeccablement soigné, le rythme soutenu, les solos de guitare de Jorma Kaukonen sentent un peu le LSD, mais ne s’étirent heureusement pas plus que de raison, et la basse de Jack Casady est remarquablement précise.
Quant à « White Rabbit », il s’agit simplement d’un morceau intouchable, un miracle de deux minutes et trente secondes. Les paroles sont hallucinantes ; le morceau s’ouvre par les phrases suivantes « One pill makes you larger / And one pill makes you small / And the ones that mother gives you / Don’t do anything at all / Go ask Alice / When she’s Ten feet tall… » et s’achève sur le conseil « Feed you head! ». Paroles impensables, référence à Lewis Carroll et incitation à la drogue, sur une musique prodigieuse : « White Rabbit » est la piste définitive du Jefferson Airplane.
Surrealistic Pillow est un disque dont certains morceaux, écrits (ou co-écrits) par le guitariste et chanteur Marty Balin sont occultées par le succès des deux chansons psychédéliques apportées par Grace Slick : en plus des ballades folk-rock, il écrit pourtant « She has funny cars » (avec Kaukonen), le planant « Comin’ back to me » et deux autres chansons marquantes de la scène psychédélique californienne « 3/5 of a mile in 10 seconds » et « Plastic Fantastic Lover », qui termine l’album de façon magistrale. Le disque marque un véritable tournant dans l’histoire de la musique pop des années soixante : les influences pop-folk sont encore visibles, mais font place à un style alors novateur qui ont révolutionné la façon de concevoir des disques dans le monde entier.
Liste des chansons :
Face A:
1. She Has Funny Cars *
2. Somebody to Love *
3. My Best Friend
4. Today
5. Comin’ Back to Me
Face B:
1. 3/5 of a Mile in 10 Seconds *
2. D.C.B.A. -25
3. How Do You Feel *
4. Embryonic Journey
5. White Rabbit *
6. Plastic Fantastic Lover *
Pour écouter l’album en intégralité : www.deezer.com/#music/album/77496
Vidéo :
Une vidéo où on voit le groupe interpréter “White Rabbit” et “Somebody To Love” :