(Stable Records 1968)
Pour certains Lemmy Kilmister est plus qu’un musicien, qu’un chanteur ou qu’une icône, c’est l’incarnation même du rock. Avec Motorhead autant que par son style de vie excessif (et très documenté), il représente depuis 40 ans une vision du monde et de la musique sans compromission. Comme chacun sait, Kilmister officiait comme bassiste au sein d’Hawkwind avant de former son légendaire trio de speed-freaks (“Motorhead” étant le titre d’un morceau qu’il avait écrit pour le vaisseau spatial de Dave Brock). Une vidéo célèbre le montre même chantant “Silver Machine” pour la BBC avec ce groupe, avec son style si particulier. Ce que les gens savent moins, c’est qu’avant de s’engager avec Hawkwind en 1971, Lemmy avait déjà eu une expérience sur disque avec un groupe au nom étrange de Sam Gopal.
On a déjà parlé sur PlanetGong : si Londres swinguait en 1967 au rythme des Beatles, des Rolling Stones ou des Kinks, une autre révolution culturelle – ou plutôt contre-culturelle – avait lieu dans le quartier de Ladbroke Grove[i] , point de convergence de tous les esprits rebelles et des groupes interlopes de la ville. Hendrix, Pretty Things, Tomorrow, Deviants y vivaient, tout comme les membres de Sam Gopal. Formé autour du joueur de tablas malaysien du même nom, le groupe connut une première incarnation en 1967 sous le nom de Sam Gopal Dream, avec notamment Pete Stears des Fleur De Lys à la basse, et joua lors du fameux 14 Hour Technicolor Dream. Après une séparation, le line-up présent sur le premier album du groupe fut assemblé : Sam Gopal aux percussions, Roger D’Elia à la guitare acoustique, Phil Duke à la basse et surtout Ian “Lemmy” Willis (comme il crédité est sur la pochette de l’album) au chant et à la guitare électrique.
Cet album pourrait être considéré comme une curiosité, un artéfact amusant ou embarrassant dans la carrière exemplaire de Lemmy. Il n’en est rien. Sam Gopal en 1968 était un groupe excellent et possédait une personnalité assez forte dans cette scène pour être identifiable dès les premières mesures. Un son de guitare psychédélique, typique de 1967 – sans doute une Telecaster à la façon de Barrett et Dick Taylor –, auquel s’ajoutent ces tablas omniprésents tout au long de l’album, et cette voix de Lemmy, puissante, inimitable (mais pas encore aussi rauque que chez Motorhead).
L’album contient 11 morceaux, tous très bons, dont au moins trois peuvent être considérés comme immanquables pour quiconque s’intéresse aux années soixante psychédéliques : “Cold Embrace” à la ligne de basse insistante, “It’s Only Love” à la mélodie envoutante et “Midsummer Night’s Dream”, morceau fantastique pour lequel Sam Gopal mériterait à lui seul d’entrer dans le panthéon des grands groupes rock du 20e siècle. Ajoutez à cela une paire de morceaux de folk pour freaks façon “prenons du LSD autour d’un feu de bois” (“The Sky Is Burning”, “Grass”, au titre équivoque) et une reprise bien envoyée (“Season Of The Witch”) et vous comprendrez aisément que cet Escalator n’a rien d’une erreur de jeunesse pour ce cher Lemmy. Au contraire, c’était la belle première étape d’une carrière qui allait le mener très haut. Un album à connaître.
Tracklisting :
- Cold Embrace *
- The Dark Lord
- The Sky is Burning *
- You’re Alone Now
- Grass
- It’s Only Love *
- Horse
- Escalator
- Angry Faces
- Midsummer Nights Dream *
- Season of the Witch
- Yesterlove
- Back Door Man
Vidéos :
“Sky Is Burning”
Vinyle :
[i] Plus d’informations ici : http://planetgong.fr/article-35372945.html