(2010 ; Differ-Ant)
Enregistré en Allemagne et en Islande, ce nouvel album de Brian Jonestown Massacre propose un nouveau voyage dans un monde complexe et dérangé, celui qu’Anton Newcombe laisse entrevoir à ses auditeurs depuis une vingtaine d’années, en enchaînant les productions musicales aussi diverses que surprenantes.
Une nouvelle fois, le résultat final est foisonnant et pléthorique : Who Killed Sgt Pepper ?, douzième album de son groupe, propose treize pistes en soixante-treize minutes (avec les cinq pistes bonus, le total atteint allègrement une heure quarante de musique). Quatorze ans après la sortie de Their Satanic Majesties’ Second Request, le groupe d’Anton Newcombe, dont la composition a énormément évolué depuis ses débuts, poursuit sa relecture des classiques de la musique psychédélique anglaise, en assurant pour son disque le titre de pochette de l’année.
Définitivement ingérable, capable du meilleur comme du pire, Anton Newcombe, dont le trajet a été suivi par un public qui s’était un peu élargi grâce à la sortie du film documentaire Dig ! (2004), a rapidement repris sa route dans un relatif anonymat. Même parmi ceux qui parlent de lui, peu nombreux sont ceux qui écoutent ses albums, tant son œuvre paraît indéchiffrable. Le talent est là, brut, incontrôlé… Les excès et l’autosuffisance aussi, qui ont eu pour conséquence de rendre impossible une carrière un tant soit peu linéaire. Il est impossible d’estimer précisément ce que Black Rebel Motorcycle Club, Warlocks et autres Dandy Warhols doivent à Newcombe. Alors que ces trois groupes ont connu des fortunes diverses après avoir eu leur moment de gloire, Brian Jonestown Massacre reste en marge de la scène contemporaine.
Le disque commence sur des bases impressionnantes – les premiers morceaux sont hypnotiques et percutantes, en particulier « The Heavy Knife » qui est un véritable classique instantané, une piste de rock efficace aux riffs marquants et à la rythmique implacable. « Let’s go fucking mental » est également un bon morceau, sous la forme d’une variation entêtante basée sur un chant de supporters de foot anglais (qui semblent avoir été traumatisés par autre chose que l’étude assidue de l’œuvre de Locke). Malheureusement, le disque possède aussi des longueurs qui rendent son écoute difficile : « White Music » porte bien son nom, et son écoute répétée est plus ou moins inenvisageable (Newcombe semble reprendre le concept de Metal Machine Music de Lou Reed, dont son auteur avait dit « c’est un album qui n’est pas fait pour être écouté en entier »). Le disque est pourtant excellent, et mérite qu’on s’y attarde : « The One », « Super Fucked » et « Our Time » sont des pistes qui confirment l’incroyable créativité de Newcombe. Chantée en Russe, « Detka! Detka! Detka! » est une chanson extraordinaire, qui apparaît comme un point d’ancrage au milieu de l’album ; le signe éclatant de l’excellence de Brian Jonestown Massacre, et qui résume bien le trajet et les productions du groupe : étrange, incompréhensible (sauf si vous êtes Russe, dans ce cas précis), et fascinant.
Rien d’étonnant à cette affirmation : le sentiment d’inachevé est celui qui prédomine après l’écoute de Who Killed Sgt Pepper ?… L’ensemble est difficile à cerner, tant les styles revisités et les instruments utilisés sont variés : il existe un monde d’écart entre « Some Place Unknown » et « Felt Tipped-Pen Pictures Of UFOs », la piste qui clôt l’album par une dizaine de minutes basées sur des collages d’une interview de John Lennon (ses explications après le scandale causé aux Etats-Unis par sa phrase ‘‘The Beatles are bigger than Jesus’’), sur un fond de musique lancinante et mélancolique. Ce n’est pas une surprise, ce nouvel album de Brian Jonestown Massacre n’a apporté aucune réponse à la question habituelle : qu’adviendra-t-il d’Anton Newcombe ? Notre époque – ou notre planète – ne sachant décidément pas que faire d’un tel artiste, Newcombe trouvera peut-être une gloire posthume. Loin de la gloire ou de la reconnaissance que devraient lui valoir son talent, il poursuit sa route sans se retourner… Le reste du monde devra se débrouiller pour suivre.
Liste des chansons :
- Tempo 116.7 (Reaching For Dangerous Levels Of Sobriety)
- The Heavy Knife*
- Lets Go Fucking Mental (Melodica Mix) *
- White Music
- This Is The First Of Your Last Warnings (Icelandic Version)
- This Is The One Thing We Did Not Want To Have Happen *
- The One *
- Someplace Else Unknown
- Detka! Detka! Detka! *
- Super Fucked
- Our Time
- Feel It (Of Course We Fucking Do)
- Felt Tipped-Pen Pictures Of UFOs *
Le Myspace du groupe : www.myspace.com/brianjonestownmassacre
Vidéo :
“Tempo 116.7”