(Rough Trade 2006)
La sagesse populaire prétend qu’il faut savoir tuer ses idoles. En l’occurrence, on aurait méchamment envie d’étriper Adam Green ou au moins de lui mettre des claques pour qu’il sorte de son image de crooner-branleur et cesse de faire la comédie.
Après son premier album solitaire lo-fi, l’ex-Moldy Peaches s’était rendu compte qu’il avait une belle et suave voix grave et avait pondu un Friends Of Mine sur lequel il incarnait un Sinatra sarcastique devant un parterre de violons. La formule avait ses limites mais fonctionnait grâce à l’ironie et l’effronterie du personnage en décalage complet avec son format musical et la présence de mélodies immortelles (comme celle de “Jessica”, chanson d’une méchanceté incroyable, chantée posément). Deux albums plus tard, Adam Green apparaît avoir fait le tour de la question mais semble ne pas vouloir se l’avouer à lui-même. Il n’y a aucun danger sur cet album autre que celui qu’il prend sciemment, celui de se répéter.
Dans Jacket Full Of Danger, Green grossit les traits au possible. Les arrangements de violons sont plus sirupeux qu’une potion pour la toux, les morceaux ne sont plus à dominante pop mais virent easy-listening façon Dean Martin et le chanteur pousse son croon jusqu’à la caricature (voix toujours plus barytonienne, avec marmonnements huummm hmmmmm… à la Elvis). Sur plusieurs morceaux, il ne se passe rien, que ce soit niveau musique ou textes. “Pay The Toll”, “Vultures”, “Party Line”, “Watching Old Movies” sont plutôt insipides – le desert complet –, ce qui est toujours mieux que d’être repoussants comme ce “C Birds” où une horde de vikings à voix grave viennent enfoncer un morceau qui se veux hypnotique mais sombre dans le ridicule (il aurait pu figurer sur la B.O. “Highlander 4”).
Le fond est atteint avec “Drugs” qui gâche une mélodie entêtante avec les plus mauvaises paroles jamais écrites par Adam Green. Comment a-t-il pu sincèrement croire que “I like drugs, I like to hold them for a friend” ou “I like to do drugs, I like to have drugs, I like to hold a cigarette full of grass in my hand” aient une quelconque valeur poétique ou subversive. Ça ne vole pas très haut et manque singulièrement d’inspiration. Autre prétendante au titre de pire chanson de l’album : la lourdingue “White Women” pompée sur “Kashmir” de Led Zeppelin (!) et infiniment moins bonne.
Heureusement, l’album contient son lot de réjouissances, évitant de ce fait le naufrage complet. “Novotel” effectue une excellente synthèse des sons de Friends Of Mine et Gemstones en 1min39, “Animal Dreams” et son ambiance piano-bastringue est sympathique. Sur “Jolly Good”, ballade pastorale qu’on croirait écrite par Paul McCartney, Adam nous rappelle son talent de mélodiste, en veille sur cet album. L’ultime chanson du disque, “Hairy Women”, nous rappelle la fascination du chanteur pour les freaks. Après la fille sans jambes, on a droit à la femme chauve. Ça sent le réchauffé mais la mélodie est agréable alors on ne râle pas trop…
On note aussi le grand moment de panache que demeure “Hollywood Bowl”, qu’on l’imagine bien chanter à Las Vegas avec des girls nues et plumes d’autruche, chanson pompière mais rigolote. N’oublions pas non plus “Hey Dude” qui nous rappelle les débuts acoustiques du fantasque new yorkais. Le meilleur moment de l’album reste le single “Nat King Cole” qui ressemble à une chanson qu’on a déjà entendue (pour “Emily”, c’était “Da-doo-ron-ron”, mais pour celle-ci on n’a pas encore retrouvé, il y a un certain côté “Gloria”).
Que retenir de ce Jacket Full Of Danger ? Adam Green se repose un peu sur ses lauriers en reprenant une formule qui a déjà fait ses preuves. En pilote automatique sur la moitié de l’album, il se laisse un peu aller et se prend plusieurs fois les pieds dans le tapis. On reste grandement sur notre faim.
Le chanteur est en train de s’enfermer dans son image par fainéantise et cela lui porte clairement préjudice. Textes et mélodies sont moins aiguisés que dans ses précédentes productions et son humour décalé tourne à la pose. On ne perçoit jamais le véritable Adam Green dans cet album, tant il se cache derrière ses couches d’instruments, sa voix forcée et ses textes vides. Sortir un album par an est louable si la qualité est au rendez-vous. Quand il s’agit d’un album de remplissage, on préfère attendre…
Tracklisting :
1: Pay The Toll
2: Hollywood Bowl *
3: Vultures
4: Novotel *
5: Party Line
6: Hey Dude
7: Nat King Cole
8: C-Birds
9: Animal Dreams
10: Cast A Shadow
11: Drugs
12: Jolly Good *
13: Watching Old Movies
14: White Women
15: Hairy Women
Vidéos :
“Novotel”