(Drag City Records 2009)
Ben Blackwell, batteur des Dirtbombs et historien expert en ce qui concerne l’histoire musicale de la ville de Detroit vous le dira : Death est un des groupes les plus doués qu’ait connu la Motor City, une de ses meilleures adresses, le connoisseur’s choice ultime pour les amateurs de rock abrasif.
Qui étaient Death ? Trois blacks de Detroit qui ont enflammé la scène locale au début des années 70 avant de disparaître dans l’oubli. Trois frangins, David, Bobby et Dannis Hackney, nourris au R’n’B de Motown et traumatisés par un concert des Stooges. Leurs morceaux, bien que formidables et appréciés par les aficionados en manque de garage-rock nerveux, n’ont jamais eu l’aura de ceux de leurs contemporains. Il faut dire que le groupe s’était sabordé de façon magnifique en 1974 en refusant de changer de nom alors que sa maison de disques – Columbia, rien que ça ! – leur avait demandé. Le groupe était alors en train d’enregistrer son premier album et avait sept morceaux en boîte. Cette embrouille leur valu de se faire virer par le label, non sans avoir eu le temps de presser 500 exemplaires du single “Politicians In My Eyes”.
Les frères Hackney changèrent de voie après cette désillusion, se tournant vers le gospel (4th Movement) et le reggae (Lambsbread), tandis qu’au sein de la scène garage de Detroit circulaient des rumeurs à propos d’un groupe dément des années 70 dont la seule trace résidait au milieu d’obscures anthologies et compilations garage. Ce furent les Dirtbombs en 2008 qui provoquèrent un début de revival avec une reprise de “Politicians In My Eyes”, avant que la diffusion du morceau original dans une fête californienne n’attire la curiosité des fils du chanteur / bassiste Bobby Hackney. A leur grande surprise, leur père leur expliqua que les bandes originales des sessions d’enregistrement de Death n’étaient pas perdues, elles prenaient simplement la poussière dans le grenier. Sept morceaux en tout, qui composent l’intégralité de ce For The World To See publié par le label de Chicago Drag City en 2009.
Sept chefs d’œuvre de rock’n’roll nerveux mâtiné de R’n’B qui lorgne du côté des MC5 et de Radio Birdman. Un mélange explosif de groove et de punk, rarement entendu depuis et qui semble avoir grandement influencé Mick Collins et ses Dirtbombs. Sur son site officiel, Death se présente comme un groupe proto-punk. Faux. Ils sont beaucoup plus que cela. Death, en sept morceaux, pose les bases d’un rock’n’roll musclé mais agile qui surpasse ce que les groupes punk de la fin des années 70 ont produit de meilleur.
Pour s’en convaincre, une simple écoute de l’album suffit. Les lignes de basse claquent (“Politicians In My Eyes”, “Where Do We Go From Here”) , les riffs de guitare brisent les reins (“Rock’n’roll Victim”), la guitare solo se révèle virtuose (“Keep On Knocking”, “You’re A Prisoner”), le chant hurlé évoque Rob Tyner . Les morceaux, superbement écrits, restent en tête longtemps, à l’image de “Freakin Out” qui possède la grâce mélodique des Buzzcocks. Si Death brillent dans un registre rock’n’roll pur que les New York Dolls n’auraient pas renié, le groupe réussit même une excursion dans un registre soul (“Let The World Turn”) où son sens de la mélodie fait merveille. Que les choses soient claires : cet album est parfait de A à Z. On y retrouve l’esprit de Detroit, ce sens du rock’n’roll sans compromissions qui fait cruellement défaut aujourd’hui.
Depuis la réédition de cet album, Death se sont reformés et jouent sur scène. Le guitariste David Hockney, compositeur des morceaux du groupe, décédé en 2000, est remplacé par Bobbie Duncan de Lambsbread. Les images de ces trois vieux rastas envoyant du rock’n’roll sont assez saisissantes. De plus, les rejetons de Bobby Hackney ont monté un groupe nommé Rough Francis avec lequel ils reprennent – plutôt bien – les morceaux de Death, faisant ainsi perdurer la musique du groupe.
Tracklisting :
- Keep on Knocking *
- Rock-N-Roll Victim *
- Let the World Turn
- You’re a Prisoner *
- Freakin Out
- Where Do We Go from Here???
- Politicians in My Eyes *
Death sur MySpace : www.myspace.com/deathprotopunk
Vidéo :
“Rock’n’roll Victim”