(Stolen Recordings 2009)
Un an après la sortie remarquée d’un EP de cinq morceaux (In Loving Memory of…), le trio le plus excitant de Grande-Bretagne est de retour avec un premier album dans lequel le groupe poursuit dans sa même démarche foutraque et réjouissante.
La première réaction à la vue de la pochette de l’album est de pouffer de rire. Hideuse, peinte à la main par le chanteur, elle dévoile d’une écriture mal assurée le titre de l’album : In The Court Of Wrestling Let’s. La blague est crétine mais irrésistible : Let’s Wrestle font allusion au titre du premier album de King Crimson sorti en 1969, et nommé In The Court Of The Crimson King, et dont la pochette est l’une des plus célèbres de l’histoire du rock.
S’il est légèrement moins lo-fi que sur leur premier EP, le son de Let’s Wrestle est aisément identifiable… Quant à la voix de Wesley Patrick Gonzalez, que les fans se rassurent : l’étonnant chanteur ne sait toujours pas chanter, et livre plusieurs de ses interprétations comme s’il venait de se réveiller après une nuit trop arrosée. Sa voix tremblante, qui semble parfois ne pas vouloir choisir entre le chant et le cri, est terriblement expressive : blasée, pleine d’ironie, elle apparaît comme une étrange combinaison entre celles de Jonathan Richman et d’Eddie Argos. La démarche de ces deux chanteurs transparaît aussi dans l’écriture des morceaux, ainsi que dans la musique pour le premier album des Modern Lovers. En aucun cas les membres de Let’s Wrestle ne s’imposent de limites : ils enchaînent avec jubilation les morceaux faussement potaches aux paroles improbables : « I’m going to my local library, and then I’ll go to the Charity shop. Who knows where I’ll go after that? Then I think I’ll go home. » (« My Schedule »). Les paroles de l’album sont réellement extraordinaires, et forment une parfaite illustration d’un esprit anglais dans l’humour à froid et l’art du nonsense (sur « My arms don’t bend that way, damn it ! », qui ouvre l’album, on entend « They say ‘if you want to help, just kill yourself’, but I won’t (…) Don’t laugh at the funeral / and don’t laugh at the hospice / it’s not the place that I want to be… »).
Une nouvelle fois, plusieurs morceaux incroyables du groupe sont absents de cet album (« Song for Abba tribute record » et « I wish I was in Husker Dü » par exemple), mais on ne va néanmoins pas se plaindre : Let’s Wrestle nous livrent ici seize morceaux, parmi lesquels on retrouve l’imparable « I Won’t Lie To You », phénoménale chanson qui avait éclairé le début d’année 2008, et dont l’intro est absolument géniale : « No matter how many records I buy, I can’t fill this void… » Côté musical, l’aspect volontairement amateur, qui assure un effet enthousiasmant immédiat, n’est que la façade d’un édifice remarquablement bâti : aux premières écoutes, on est saisi par les mélodies accrocheuses des chansons et le rythme assuré, avec une basse prédominante. Les morceaux sont cependant réellement excellents, et ne livrent leur pleine mesure qu’après plusieurs écoutes : les contre mélodies, les ruptures de rythme et les chœurs sont parfaitement maîtrisés, et les nombreuses influences musicales deviennent de plus en plus évidentes, montrant le champ d’action du groupe (notamment « My Schedule », véritable démonstration).
L’album est ponctué de plusieurs interludes inattendus : « My eyes are bleeding », « Atlantis » et « Waltz » forment des pauses étranges entre les morceaux de l’album. Le disque se déroule globalement de façon plus retenue que sur les chansons déjà connues, mais regorge d’éléments surprenants, parfois ridicules, souvent ingénieux et toujours amusants… Que ce soit dans les paroles, l’interprétation du chanteur ou dans les arrangements divers des chansons (les sha-la-la de « Only in Dreams », l’intro de « Song for old people », la construction de morceaux comme « Diana’s Hair » et « Insects »).
Avant de livrer leur premier album, Let’s Wrestle ont pris leur temps, mais ont démontré un savoir-faire impressionnant et ont surtout remporté leur pari : le trio vient de se faire une place de choix sur la scène britannique, et a justifié les attentes suscitées par les premiers morceaux, sans changer de mode de fonctionnement. Avec la sortie d’In the court of the Wrestling Let’s, les choses sont désormais claires : le groupe est plus qu’une simple plaisanterie, et semble là pour durer.
Liste des chansons :
- My Arms Don’t Bend That Way, Damn It! *
- I’m in love with destruction
- Tanks
- My eyes are bleeding
- My Schedule *
- We are the men you’ll grow to love soon *
- In Dreams
- Atlantis
- Song for old people
- I won’t lie to you *
- Diana’s Hair *
- I’m in fighting mode
- Insects *
- It’s not going to happen
- Waltz
- In the Court of the Wrestling Let’s *
Le MySpace du groupe : www.myspace.com/letsfuckingwrestle
Vidéos :
“We Are The Men You’ll Grow To Love Soon”
Vinyle :
La pochette du vinyle, toujours dessinée à la main par Wesley Patrick Gonzalez diffère de celle du CD. Le cartonné est assez cheap.
Pour terminer, le groupe a filmé un court-métrage débile intitulé Death Of The Blue Ninja. On peut le voir ici : www.myspace.com/deathoftheblueninja