(Merge Records 2011)
Rappel destiné à ceux qui aurait malencontreusement raté les épisodes précédents : Let’s Wrestle est un groupe britannique révéré par PlanetGong. Ce trio, conduit par Wesley Patrick Gonzalez, est celui qui aurait dû révolutionner la moribonde scène musicale outre-Manche. En une poignée de singles et d’EPs, Let’s Wrestle avait en effet démontré une qualité d’écriture et de composition démente. Enthousiasme crétin, paroles magnifiques (« One day I will find someone who likes reading comic books and drinking red wine»), évidence mélodique et productivité incroyable : l’Angleterre nous avait donné de nouveaux héros.
Dans ces circonstances, leur premier album, In The Court Of The Wrestling Let’s, longtemps attendu et finalement publié en 2009, était une semi-déception, malgré de nombreuses pistes incroyables. Pour ceux qui connaissaient déjà l’univers du groupe, il était probablement plus facile d’accepter les nombreux interludes qui ponctuaient l’album, pour les autres… on ne sait pas, mais une chose est certaine : le groupe n’a pas eu la reconnaissance que son talent aurait dû lui assurer. Il est néanmoins sûr qu’en laissant de côté des pistes aussi géniales que « Let’s Wrestle », « Song for man with Pica syndrome », « I’m OK you’re OK » et « I wish that I was in Husker Dü », le groupe s’est passé d’atouts importants pour son premier album ; ajoutez à cela l’aspect généralement assez hideux de leurs pochettes de disques, et tous les ingrédients d’une stagnation de Let’s Wrestle dans un injuste anonymat semblaient réunis.
Les choses en étaient là jusqu’au début de l’année, lorsque survint la nouvelle selon laquelle un deuxième album était sur le point d’être publié, le groupe ayant choisi pour producteur le controversé Steve Albini (notamment célèbre pour avoir contribué à modeler le son du rock américain des années 1990 avec Nirvana, Pixies et pour avoir produit le peu convaincant dernier album des Stooges). Cette surprenante collaboration ajoutait de l’intérêt à l’annonce du nouvel album de Let’s Wrestle, ainsi qu’une certaine crainte de voir le groupe perdre sa singularité.
Les premières secondes d’écoute de cet album ont malheureusement été l’occasion de vérifier cette prémonition : le son joyeux et déglingué qui faisait le charme des enregistrements du groupe a été remplacé par un son gras marqué par une basse et une batterie étouffante. Let’s Wrestle a heureusement conservé quelques-uns de ses atouts majeurs : le chant approximatif et les chœurs à contretemps font leur apparition sur plusieurs morceaux : « In the suburbs », « There’s a rockstar in my bedroom », « I forgot »… Les morceaux lents, produits de façon plus délicate, tels « For my mother », « I am useful » et « Getting rest », prouvent que le groupe est encore capable d’enregistrer de très jolies chansons. Une écoute attentive permet en outre d’apprécier à sa juste mesure le talent d’écriture intact de Wesley Patrick Gonzalez.
Marqué par un humour à froid à la distance toute britannique, son style n’exclue pas l’expression de sentiments touchants, comme sur « I am useful », où les paroles décrivent les sentiments d’un homme dont la femme l’a quitté, et qui juxtaposent à merveille passages pitoyables et ironiques. En écho à une chanson de leur premier album, Let’s Wrestle ouvre Nursing Home par « In Dreams part.II » qui contient lui aussi quelques passages absurdes et mémorables (« In my dreams there were pokemon beating me up / I punched pidgeoto right in the face »).
Malheureusement, mis à part ces quelques aspects, il faut convenir que cet album se caractérise surtout par sa rythmique boursouflée : ces douze morceaux, qui ne totalisent que trente minutes de musique, semblent parfois durer des heures. Recherchant la lueur de génie cachée sous la couche de production grasse, l’écoute de cet album fut mainte fois répétée… Las ! Rien ne se dégage de morceaux tels que « I’m so lazy », « Dear John » ou « I will not give in », sinon pour l’auditeur un sentiment d’ennui un peu gêné devant une telle débauche d’énergie et d’amplification sonore pour aboutir à un si faible résultat.
Au-delà de cet album qui nous a déçus, il est étrange de constater que deux des groupes les plus réjouissants et les plus typiquement anglais des dernières années (Let’s Wrestle et Art Brut) se sont tournés vers un son proche de celui du rock US des années 1990… La scène anglaise suivra-t-elle leur voie, après avoir quasiment ignoré ces deux groupes lorsqu’ils apportaient quelque chose de réellement novateur ? Personne ne peut décemment le souhaiter. PlanetGong et le reste du monde ont besoin de tels groupes, pour la fraîcheur et l’intelligence qu’ils apportent, dans une scène musicale qui en manque trop souvent.
Liste des chansons :
- In Dreams Part II
- If I keep on loving you
- In the suburbs
- Bad Mammaries
- Dear John
- For my mother *
- I’m so lazy
- There’s a rockstar in my bedroom
- I Forgot
- I am useful *
- I will not give in
- Getting rest
Le groupe sur MySpace : www.myspace.com/letsfuckingwrestle
Vidéo :
“I’m So Lazy”